Elle débarque de Saint-Montron.
Ne vous y fiez pas.
Ni oie blanche, ni cousine de Bécassine.
Si tôt confiée par sa Maman à Tonton Gabriel, la gamine révèle un sacré tempérament.
Effrontée, entêtée, culottée, critique, capricieuse, râleuse, boudeuse, moqueuse, elle agrémente ce doux caractère d’une verdeur langagière où l’expression « mon cul » vient régulièrement ponctuer ses assertions.
Vous connaissez tous les aventures de Zazie dans la capitale, je ne vous ferai pas l’affront d’en reprendre le récit.
La mise en scène de Sarah Mesguich fourmille d’idées charmantes et très réussies :
L’arrivée d’un tacot crachotant poussé sur scène pour la taxi de Charles,
La vidéo de la Tour Eiffel projetée en diagonale jusque sur le sol lors de la visite mouvementée du célèbre monument,
Les tables de bistrot, le « zinc en bois depuis l’occupation » et le banc public déplacés ou transformés en fonction des besoins de l’intrigue pour la café de Turandot, le séjour de l’Oncle, la rue, le Marché aux Puces, la boite de travestis.
Chaussettes montantes, gros bonnet tricoté en laine rouge sur sa longue chevelure en bataille, jupette écossaise en biais, moues appuyées, mimiques éloquentes, geste décidés, Léopoldine Serre nous campe une Zazie « inouïe ».
Son culot que rien n’ébranle, sa gouaille sans limite, ses jugements sans appels, sa fragilité parfois, sa méfiance avisée, ont trouvé ici leur interprète idéale.
Naturel, spontanéité, fraicheur, vivacité caractérisent brillamment la personnalité de Léopoldine Serre.
Cette jeune comédienne fait nos délices.
Jacques Courtès affirme avec une calme autorité son rôle d’Oncle « hormosessuel » travesti de son état, époux possessif, et frère serviable.
Dans son adaptation, Sarah Mesguish nous surprend en insistant sur un côté sombre : celle d’une enfant proie aux turpitudes des adultes, tout juste sauvée de l’inceste.
Certes, le roman de Queneau contient bien le récit par Zazie de l’assassinat du Père qui lui faisait des papouilles « sosées », certes elle parle souvent de satyres, mais la faconde et la verdeur de la langue, la gouaille de ces personnages si hauts en couleurs, donnent à ces évocations la saveur d’une verve populaire, évoquent un univers sans fard ni détour, qui n’a pas froid aux yeux et qui appelle un chat un chat, sans pour autant convoquer les pervers et autres pédophiles.
A cette réserve près, le comique, la force de cette langue si inventive et fleurie, la cocasserie parfaite de l’histoire se savoureront en famille pour ces congés de printemps.
La progéniture présente dans la salle s’esclaffe.
Une belle occasion de découvrir les plaisirs du théâtre et de la littérature toutes générations confondues.