World of Wires est joué par une troupe de new-yorkais éblouissante sous la direction "expérimentale" de Jay Scheib, présent pendant toute la durée du spectacle au milieu de ses comédiens, caméra vidéo au poing.
La pièce est tirée d'un roman de science-fiction (troisième volet de la trilogie "simulated cities, simulated systems - je retarde, pardon) est une suite de tableaux réglés au cordeau, faisant se succéder les situations les plus folles, comme les plus banales:
-Le Paradis Perdu restera dans les annales avec l'ensemble des personnages dans le plus simple appareil s'adonnant à toutes les ivresses des sens, jusqu'à la découverte d'un vrai-faux serpent qui provoquera un vent de panique dans ce petit monde gentiment déjanté.
-Au registre de l'hyper-réalisme confondant d'efficacité et de force, les bureaux de la société Rien.
Incroyable cette équipe de décideurs surmenés, au bord de la crise de nerfs, à l'exaspération paroxistique, avec débordements inévitables (sexuels ou caractériels) qui attend la visite du Secrétaire d'Etat, acheteur potentiel du dernier simulateur mis au point par un dénommé Fred Stiller, autour duquel tous s'affairent.
Inénarrable et renversant, entre autres le comédien, sosie de Jean-Michel Basquiat, qui joue le Secrétaire d'Etat ou un collaborateur de la boite plutôt baba cool.
-Dans la même veine réaliste, impossible de ne pas mentionner la scène de l'agression à l'arme à feu avec l'urgentiste incapable de sauver la victime, en dépit de ses efforts acharnés.
Mais cela est anecdotique au regard de la problématique posée par Jay Scheib:
Et si la réalité n'était pas réelle? Et comment grâce à ces simulateurs parvenir à percer les secrets de cette hyper réalité?
Tels sont les vertiges dans lesquels nous sommes entraînés à travers toutes ces séquences ahurissantes.
Je l'ai déjà mentionné tous les comédiens sont remarquables sans exception.
Le travail de Jay Scheib est renversant: pour la première fois au théâtre la caméra devient "acteur" à part entière.
Jusque là, la vidéo dont use et abuse nombre de metteurs en scène, ne dépassait pas le rôle d'accessoire supplémentaire au spectacle.
Ici c'est l'inverse. Elle traque, scrute, souligne, découpe, se focalise sur certains personnages ou détails du décor.
Autre aspect surprenant de la pièce, sa construction.
Basées sur le même principe toutes les scènes suivent le même déroulementLe même scénario recommence avec des scènes composées sur le même déroulement exactement, avec chaque fois un développement à l'identique. La situation aseptisée du début conduisant systématiquement au chaos.
D'abord surprenant et critique le message finit par sembler mécanique à force de répétition. Raccourci légèrement, le dosage de ce parti pris eût été idéal.
Mais voIlà bien la seule faiblesse de ce spectacle qui restera comme un moment inoubliable.
Un tournant décisif du théâtre.