Compromis, intrigues, rebondissements, trahisons.
Définition d’un roman d’aventures ?
D’un feuilleton du type « Feux de l’Amour » ?
Fausse route,
Description d’un milieu qu’on imagine dans notre innocence consacré aux seules exigences du bel esprit, vierge de toute vilenie, loin de toute compromission :
Le monde de l’édition, des prix littéraires et des écrivains.
En cette saison de rentrée, félicitons Jean-Paul Tribout de ce délectable choix d’actualité allié à son talent de metteur en scène sachant faire ressortir, avec finesse et alacrité, tout le suc et le sel des répliques.
Sous la plume d’Edouard Bourdet, aussi alerte, incisive, mordante que dans ses pièces plus connues comme « les Temps difficiles » ou « Le Sexe faible »,
« Vient de Paraître » se situe au-delà de la comédie de boulevard.
Une comédie de mœurs qui n’a rien perdu de sa modernité,
Joyeuse satire, féroce et sans d’aigreur, mêlant avec un art consommé portraits sans concession, mélodrame conjugal et pouvoir de l’argent.
Frêle silhouette, chevelure de neige, aisance naturelle et charme délicieux, Jean-Paul Tribout incarne Moscat, un flamboyant éditeur, vibrionnant, le jour de la remise d’un Prix important à un écrivain publié par sa maison.
Ce corrupteur de jury, opportuniste sans scrupules, brasseur d’affaires infatigable, tour à tour redoutable négociateur ou bassement flatteur,
Se révèle prêt à tous les stratagèmes pour parvenir à ses fins, préserver ses intérêts.
Dans une succession de situations toujours inattendues et surprenantes
Il manipulera avec une habileté diabolique différents protagonistes :
Maréchal, écrivain « maison », auteur prolifique, imbu de sa personne, convaincu de son talent, assuré de son succès, ingrat, veule, infatué et narcissique. S’imaginant séducteur irrésistible auprès du beau sexe, il sera pris au piège de sa vanité et de sa cupidité.
Mèche tombante, fine moustache, regard pénétrant, ton suffisant comme exténué, Jean-Paul Bordes ne saurait être plus comique dans son rôle de fat.
D’abord ignoré avant d’être « exploité », le couple formé par Marc, Eric Herson-Macarel, écrivain parfaitement inconnu, soudain lauréat par défaut du prix destiné à Maréchal, et son épouse Jacqueline, Caroline Maillard.
Ces deux provinciaux, novices devenus célèbres mais désarmés, finiront par triompher, non sans crises ni douleurs, des pièges et exigences du succès magistralement orchestrés par Moscat.
L’inévitable critique « acheté », auteur raté qui se voudrait philosophe, L’écrivain délateur aigri, le fidèle et dévoué manutentionnaire, finissent de composer cet univers dont les ridicules, prétentions et faux-semblants apparaissent avec acuité et tendresse à la fois.
Costumes impeccables de Sonia Bosc, décors astucieux et très réussis d’Amélie Tribout ajoutent la touche finale à ce spectacle pleinement réussi.
Jean-Paul Tribout, un metteur en scène d’une espèce en voie de disparition,
Sans aucune faute de gout,
Entièrement au service de l’auteur et du texte :
Un authentique « Honnête Homme ».
Ne pas manquer son dernier spectacle.