L’action de « Victor » se situe en 1948, dans les années qui suivent la libération.
Victor, Gregory Gadebois, sort juste de prison : il a accepté d’être condamné à la place de son ami Marc, cédant aux prières de Françoise, l’épouse de ce dernier dont il est éperdument amoureux.
Françoise, Caroline Silhol, taraudée par les remords, rejoint Victor le jour de sa libération après lui avoir adressé en prison des lettres lui dévoilant son amour.
Marc, Eric Cantonna, le combattant courageux est devenu un aventurier peu scrupuleux. Il se joue de l’intégrité de Victor, abuse de son ascendant sur son ami, se sert de sa femme pour arriver à ses fins.
Deux personnages attachants viennent compléter ce trio : Mariane, jeune femme libre et désintéressée qui partage la vie de Victor et Jacques, connu en prison, l’escroc rentré dans le droit chemin.
Victor, ne vivra pas sa passion avec Françoise. Sa réussite tardive ne finira pas de l’étonner.
Marc, menacé dans son orgueil masculin recourra à d’odieux stratagèmes pour garder sa femme. Rattrapé par la justice, avant de se suicider, il viendra une dernière fois semer le trouble dans la vie de Victor.
Françoise devenue veuve, après avoir avoué à Victor un amour indéfectible pour Marc, se retirera du monde.
Sous ses dehors de gros ours pataud et maladroit, massif et frêle à la fois, Gregory Gadebois recèle des trésors de finesse et de sensibilité qui donnent toute son épaisseur à ce personnage non dénué de lucidité en dépit de son âme « innocente » : « tu es un héros, un escroc et à l’occasion un maquereau » assène-t-il à Marc.
Eric Cantona, barbe en collier, costume impeccable, est un parfait manipulateur, sûr de lui, usant de sa superbe, de sa force de séduction jusqu’au bout, non sans un certain panache final.
Le duo fonctionne à merveille : grande gueule et rodomontades d’Eric Cantona, effacement et délicatesse de Gregory Gadebois.
Entre eux Françoise : la marionnette de Marc, l’objet de l’amour de Victor.
Caroline Silhol, retrouve un personnage qui lui sied à merveille. Sous l’emprise de Marc elle ne parviendra jamais à être la femme qu’elle se rêvait, capable de se libérer pour connaitre un amour sans tache, de vivre avec un homme « pur », passant de l’un à l’autre. Touchante dans ses revirements, ses velléités, ses illusions sans lendemain, la comédienne confère à ce rôle « d’esclave de 1948 » comme elle le dit à son mari, l’exacte couleur du temps.
En Marianne, on est heureux de retrouver la délicieuse et lumineuse Marion Malenfant dont nous avions dit tout le bien que nous en pensions il y a quelques années pour son interprétation de Marilyn dans « Norma Jean » à Ivry.
Serge Biavan est aussi juste dans son rôle du copain Jacques, sympathique escroc repenti.
Débutée par une scène magnifique qui réunit sur le banc devant la prison les deux libérés, cette pièce révèle bien des aspects oubliés d’une époque révolue. Période encore trouble, modernité naissante, reprise d’un certain affairisme, y sont bien évoqués en arrière-plan.
Préférant développer l’intrigue autour des rapports entre des personnages, Berstein auteur dramatique de boulevard, non dénué de profondeur, tend inexorablement l’action dramatique vers le mélodrame.
Pas de rires gras ni de portes qui claquent,
Seulement une histoire aux tons légèrement fanés, portée par une très belle distribution.