Mais dès l'arrivée de son amie Kristine, à l'heure des confidences, Nora avoue, sans se départir de son détachement rieur, les menaces que fait peser sur elle un emprunt jadis souscrit par amour pour son mari, à son insu, afin d'assurer le voyage indispensable à sa guérison.
Sous le masque de cette gaieté affichée toujours, se cache ce secret lourd de conséquences.
Nora se révèle alors sous un autre jour: courageuse, totalement engagée malgré les sacrifices consentis, les risques encourus.
Elle assume et avec le sourire.
Mais quand elle se trouve acculée c'est encore un refus qu'elle finira par opposer à la généreuse offre du Dr Rank, secrètement épris et condamné par la maladie qui le ronge.
On comprend alors que Nora pense aussi à la mort: le suicide.
Nora ne choisira pas la mort, mais la rupture.
Rupture irrémédiable, rupture sans retour.
Face au conformisme plus fort que l'amour, à l'ingratitude, à la colère, au mépris exprimés par Torvald, l'alouette se métamorphose.
L'étourneau fait place à une femme lucide et déterminée qui exposera posément ses aspirations à SE trouver, à faire SA vie, à un mari aussi incrédule qu'impuissant.
La femme enfant disparaît.
La Maison de Poupée s'écroule.
Marina Foïs incarne cette dernière scène avec une rare intensité dramatique. Elle ne démérite pas dans les actes précédents en dépit de quelques expressions et gestes répétitifs, et de certaines minauderies trop appuyées, sans doute voulues par le metteur en scène.
Mais elle demeure une Nora dont aucune des nuances de l'âme ne nous échappe.
Si Tordvald, Alain Fromager, est aussi poussé à l'exagération dans sa scène d'ébriété, il sait se montrer excellent tour à tour, dans son rôle de mari indulgent, attentionné, puis autoritaire et accablant, vaincu au final.
Les deux autres rôles de femme sont très justement interprétés par Bénédicte Cerruti en Kristine, et Martine Vaudeville en Anne-Marie.
Je regrette de vrais faiblesses dans la distribution des hommes, Krogstad et le Dr Rank.
Un peu perdue sur cet immense plateau dans le décor de Gilles Taschet surmonté d'un curieux faîtage qui recréé un vaste salon contemporain et dépouillé avec d'imposantes et symboliques doubles portes ouvrant sur le bureau du "Maître", cette "Maison de Poupée" résonne avec une si parfaite limpidité qu'il me faut féliciter Jean-Louis Martinelli de nous donner sa version de cette admirable pièce qu'on ne se lasse pas de voir et de revoir.