uniquement séduite par la transposition de «La Ménagerie de verre» (Lulu de décembre 2011) par Romina Paula
Lulu a longtemps considéré tristement datées, terriblement verbeuses les pièces de Tennessee Williams. «Soudain l’été dernier» (Lulu de mars 2017) ou «La Ménagerie de Verre» (avec Isabelle Huppert mise en scène par Ivo von Hove) demeurent de pénibles souvenirs.
Jugement sévère que vient d’infirmer «Un Tramway nommé désir».
Terrifiante descente aux enfers.
Blanche Dubois, riche héritière ruinée, acculée, s’installe chez sa sœur Stella mariée à Stanley, homme frustre et brutal, buveur et violent, macho et joueur de poker.
L’âge venant, Blanche est obsédée par le besoin de «plaire». Méprisante en dépit de la précarité de sa situation, le mensonge et la boisson constituent son échappatoire, se parer et passer des heures dans son bain les moyens de donner le change.
Une présence dérangeante qui exaspère Stanley.
Méfiant, il la soupçonne d’avoir dilapidé la fortune familiale.
Curieux, il découvre qu’elle a mené une existence effroyablement dissolue.
Ainsi se tend, enfle, explose le conflit familial.
Dans cette société américaine, machiste, intolérante, encore corsetée par un conservatisme rigide, tout comportement contraire aux conventions est dénoncé, voué à l’exclusion .
Les égarements de Blanche, conséquences de l’inguérissable blessure de la découverte de l’homosexualité de son mari,
et son dédain manifeste en feront l’innocente victime.
Ni la compatissante protection de sa sœur, ni le tendre sentiment déçu du naïf Harold Mitchell, ne parviendront à la sauver d’une fatale destinée.
«Je n’aime pas la réalité, je n’aime que la magie» affirme-t-elle.
Pathétique dupe de ses rêves, dans un ultime moment de «confusion», croyant être accompagnée par un aimable soupirant, c’est tout sourire qu’elle prendra le bras de l’infirmier venu la chercher pour la conduire à l’asile.
Nicolas Avinée est un très crédible Stanley, frustre, possessif, violent devant lequel la généreuse et compatissante Stella, excellente Alysson Paradis, ne pourra à résister.
Amoureux déçu par Blanche, Lionel Abelanski est le tendre et touchant Harold Mitchell.
Citons encore Marie-Pierre Nouveau la logeuse et Djibril Pavadé son compagnon et l’infirmier qui complètent une distribution sans faiblesse.
Le mérite en revient pleinement à Pauline Susini, la metteur en scène.
Elle réussit à nous faire partager les infinies qualités de cette longue pièce en lui imprimant la montée de toute sa puissance dramatique.
Un voyage au cœur des ténèbres d’une âme blessée.
Tragique, intense, bouleversant.