Essentiellement une illusion et une illusion qu'il faut faire vivre.
Faire vivre un personnage, Eddy Mitchell sait faire au cinéma. Ses interprétations dans "Coup de torchon" ou "Le bonheur est dans le pré" sont de grands moments que l'on n'oublie pas.
Voilà pourquoi, au risque de vous surprendre, Lulu dans le souci de dépasser un "élitisme" étriqué, était hier soir au Théâtre de Paris, avec en perspective une soirée de "détente" qui effacerait les moments pénibles de ces dernières semaines.
Que Nenni. Notre rocker de légende n'existe pas sur les planches. Pis, il s'y ennuie et nous a endormis.
Voix étouffée, pratiquement inaudible dès le cinquième rang, monocorde, sans couleur.
Il nous livre un Quentin inodore incolore et sans saveur. Un comble pour ce personnage fort en gueule, haut en couleur, aux répliques de légende ciselées par Audiard et Blondin. Aucune épaisseur dans cette interprétation, aucune présence sur scène.
Telle une ombre, comme absent, on en vient à se demander ce qu'il fait là.
Seul nous déride le texte qui n'a rien perdu de sa verve franchouillarde et fait toujours recette.
A ses cotés , Fred Testot donne une interprétation toute mécanique de Fouquet. Elève appliqué, il récite par cœur la leçon apprise. Sans aucun naturel, comme bridé, empêché, malgré un souci évident de bien faire. Aucun sens de la liberté ici indispensable pour jouer les scènes improbables du personnage, telles ses corridas imaginaires.
Seul Stephan Wojtowicz en Esnault, le bistrotier, nous donne véritablement à voir le personnage d'Audiard. En voilà au moins un enfin "incarné". Le résultat est immédiat: chacune de ses apparitions donne vie soudain à la scène, enfin nous voilà au théâtre, une couleur se dessine, un caractère prend chair.
Adaptation théâtrale du film réussie, signée par le même Stephan Wojtowicz, et jolie scénographie d'Edouard Laug, qui fait alterner sur le plateau le décor de l'hôtel et celui du café rythmant le découpage des scènes en s'escamotant alternativement.
Ces qualités, ne servent en rien ce spectacle.
Elles ne font qu'en souligner la vacuité, le vide, le rien.
Et plus tard revoir Gabin et Belmondo dans quelques extraits du film nous fait davantage mesurer encore, si cela était possible, cet échec patent.