Dévastateurs émois.
Cette scénographie d’Aurélie Maestre, suffit à évoquer sobrement le cadre de la pièce : le salon bourgeois et la campagne environnante de la propriété d’Arkadi et de son épouse Natalia.
Au salon, le temps s’écoule, monotone. La présence du fidèle Rakitine, ami et voisin, semble soudain exaspérer Natalia dont il est secrètement épris.
Celle-ci vient d’engager pour son fils Kolia, un nouveau jeune précepteur venu de Moscou, Alexis Beliaev.
L’enfant, Alexei et Vera, orpheline de dix-sept ans et pupille de Natalia, forment alors un joyeux trio plein de vie qui anime la maisonnée.
Natalia, met cependant en garde Vera contre une conduite qu’elle juge légère et dangereuse quand celle-ci lui avoue être amoureuse d’Alexei. Prétextant penser à son avenir, elle l’engage vivement à épouser Bolchinstov, un riche et vieux voisin timide dont le docteur, Chpigelski se fait l’entremetteur.
Scène déterminante.
Point de rupture de la situation.
Le destin de chacun bascule.
Natalia prend soudain conscience de l’origine de sa soudaine agitation : sous sa pseudo bienveillance pour Vera se dissimule un sentiment inavouable: son irrépressible attirance pour Alexei.
Vera comprend sa situation d’infériorité sans issue. Elle accepte de sacrifier sa vie auprès du prétendant Bolchinstov, vieux, sot et riche.
Dans un troublant échange, Alexei, convoqué par Natalia, affirme ne ressentir qu’un amour fraternel pour Vera.
Dévastée par sa découverte, Natalia cherchant refuge auprès de Ratikine, provoquera les soupçons d’Arkady sur la trahison de son ami et l’infidélité de sa femme.
Funestes et douloureuses conséquence de ces désordres,
Les séparations s’imposeront
Les départs suivront.
Tous quittent la maison.
Après une ultime scène déchirante entre eux, Alexei avoue à demi-mot son éblouissement pour Natalia, et après ses adieux à Vera, repart pour Moscou.
Ratikine, suprême d‘élégance pour préserver Natalia, prend le même chemin.
Vera va épouser le vieillard Bolchinstov,
et la dame de compagnie de la mère d’Arkady, quitte aussi la maison pour épouser docteur récompensé par Bolchistov.
Superbe, la pièce de Tourguéniev traite avec une rare finesse, tout en tact et délicatesse, d’une renaissance : le réveil du sentiment amoureux chez un femme «mûre» qui le croyait depuis longtemps assoupi.
Oscillant avec une maîtrise admirablement équilibrée entre comédie, boulevard et tragédie, l’auteur nous fait partager toute la force et la violence des ces émotions, de leurs conséquences cataclysmiques.
Si la mise en scène de Clément Hervieu-Léger, débute par quelques regrettables maladresses : Natalia, telle une jument lâchée sans bride, parcourt la scène en tous sens et les protagonistes à l’élocution souvent approximative, dos au public, nous privent de bien des répliques,
Dans la deuxième partie de la pièce, elle nous fait partager avec force et intensité les affres et les douleurs de ces personnages tous si attachants dans leur humanité fragile et blessée.
En dépit d’une distribution inégale, soulignons la présence non dénuée d‘ironie superbe dans les moments les plus graves du Rakitine de Stéphane Facco, la justesse comique et pathétique vieux Bolchinstov, Jean-Noël Brouté, ou la complaisance opportuniste du docteur de Chpigilski, de Daniel San Pedro.
Clémence Boué, Natalia, devient par moments, une bouleversante femme déchirée,
Face à la Vera de Juliette Léger, pupille tout à la fois soumise, rayonnante, révoltée, et brisée.
Effondrement d’une famille,
présage de la disparition d’un monde ...
Effacés les débuts décevants,
Lulu est ressortie pétrie d’émotions, tragiques et pathétiques souvent mêlées.
Assurément partagées.