Intrigue basée sur le retour au passé, pour faire remonter le temps à deux amis attablés sur une terrasse, le stratagème imaginé par la serveuse du bistrot, devenue « Fée Clochette » pour la circonstance, dépasse la maladresse pour atteindre à une navrante mièvrerie ;
Le dénouement, prétendument poétique, allégorique : de la même veine.
Enserrées entre ce début et cette fin, les flash-back se succèdent dans l’évocation de tous les pires moments vécus par les deux compères jusqu’à leur première rencontre, origine de leur indéfectible amitié.
Interprétant chacun différents personnages, Philippe Lellouche et Gérard Darmon, visiblement complices, s’évertuent avec un bonheur souvent inégal, de nous distraire ou nous émouvoir.
Ratées les scènes de la mort du Père, de la même femme aimée en secret, du moteur de la piscine en panne le jour de la pendaison de crémaillère.
En dépit de la réplique assassine « Je les connais les recalés du prêt-à-porter qui cherchent une filière plus juteuse », on imagine beaucoup plus grinçant, à la Grumberg, l’épisode de l’humiliation par son professeur d’université arrogant et raciste subie par le jeune étudiant de droit, juif pied noir.
Alors une soirée navrante ?
Sauvée par Gérard Darmon, vous disais-je :
Avec une épaisseur rare ou bien un sens de la caricature achevé,
Il est confondant d’autorité calme et attristée dans le tableau du Père qui rejette son fils, adolescent drogué ;
Incarnation parfaite de la peur généralement ressentie par le sexe fort face au moindre problème de santé, on ne peut que s’esclaffer quand soudain plongée dans l’hypocondrie la plus profonde, complétement abattu, tourmenté, dévoré d’inquiétude, il renonce à une soirée en galante compagnie avec son ami aussitôt accusé d’indifférence, voire de n’être qu’un obsédé sexuel, face à la nouvelle de son taux de glycémie nécessitant un banal traitement.
Il atteint un sommet de comique, dans un véritable moment d’anthologie théâtrale, en travesti, sans équivoque, dans le rôle la femme outragée mais combattante, en pleine scène de divorce.
Jouant de son petit foulard noué autour du cou, du grand col blanc de sa chemise très « Inès de la Fressange » de son ridicule sac vert pomme, sans parler des cheveux courts relevés en bataille et des indispensables lunettes noires, porté par de fines répliques dénotant une surprenante connaissance de la psychologie féminine, son personnage d’amoureuse déçue, de femmes trahie, d’épouse bafouée mais digne et inébranlable, nous réserve un grand moment de « composition » à l’humour dévastateur.
Au théâtre, on savait le comédien convaincant : « Inconnu à cette adresse », profondément émouvant « Je l’aimais »,
Rivalisant avec les plus grands, voilà toute sa force comique révélée aussi.
Lulu aspirait à une soirée de délassement.
Ses exigences n’ont été qu’en partie comblées,
Pourtant dénué de vulgarité, illustrant un thème attachant : les aléas de l’amitié entre deux vieux « copains », la pièce de Lellouche aurait pu être tout à fait charmante, légère.
Sa minceur, pour ne dire son inconsistance, lui font manquer son but.
Gérard Darmon seul lui donne relief,
Encore un spectacle sauvé par l’ interprète.