Intéressant encore le thème de la pièce en grande partie autobiographique.
Elle traite de la difficulté de la création et de la mise en danger de tout artiste qui s'y mesure.
Intéressante aussi la mise en scène de Gilbert Désveaux, qui sert ce texte au plus juste dans une adaptation signée de son compère de toujours Jean-Marie Besset.
Et superbe enfin le décor d' Anabel Vergne et les lumières de Martine André.
Bar d'une longueur irréelle. Derrière: le fond bleu clair qui baigne d'une lumière céleste deux silhouettes de rocher façon Baie d'Along, vire progressivement au rouge de l'enfer, les rochers, tels les citrouilles de Cendrillon, se révélant être les fauteuils, sac de billes des années 60. Devant pour accueillir les clients, non pas des tables, mais de petites cavités telles les symboles du gouffre dans lequel sombreront Myriam et Mark.
Myriam s'installera au bar la première.
Impressionnante d'élégance, on devine qu'elle fut d'une grande beauté.
Femme à la dérive, lassée de sa vie avec Mark qu'elle a décidé de quitter, elle recherche inlassablement de nouvelles conquêtes.
Mark, peintre reconnu, mais ravagé par l'alcool traverse une dramatique crise de création.
Quand il rejoint Myriam, lamentable, titubant, désemparé, faisant part de ses doutes de créateur, impitoyable, elle ne lui opposera que mépris et remarques blessantes.
Christine Boisson joue parfaitement de l'autorité et du détachement faussement désabusé de celle qui n'a connu que les succès dus à sa beauté et l'attachement indéfectible d'un artiste essentiellement préoccupé de son oeuvre.
Par son jeu subtil, son incontestable présence, et son physique d'ancien mannequin, elle donne toute sa dimension à son personnage.
Alexis Rangherd (Mark) sait parfaitement déjouer les pièges et les outrances auxquels son personnage se prête.
C'est toute la vulnérabilité du créateur qu'il nous révèle, avec ses faiblesses et les impasses qui lui seront fatales.
Face à ce duo qui se déchire, deux autres protagonistes.
Le barman, personnage clé, tour à tour objet de la convoitise de Myriam, confident malgré lui, témoin enfin de la tragédie qui se déroule sous ses yeux.
Et Laurent d' Olce, le galeriste de Mark, appelé en ultime recours, a la veulerie et la vanité qui définissent bien le personnage.
Même si Tennesse Williams n'est pas mon auteur dramatique de prédilection, si je trouve exagérée la comparaison établie par J.-M Besset avec Strindberg, cette pièce est sans doute, à mes yeux, l'une des meilleures de l'écrivain.
N'évoque-t-il pas lui-même à ce moment "l'échec ordinairement précoce et particulièrement humiliant qui frappe l'artiste".
On en mesure ici parfaitement toute la cruauté et la difficulté.
Tennessee William en a payé lui-même le prix.
Son évocation en donne toute la résonance.
Respect.