Pour inaugurer cette nouvelle série de chroniques,
Rien de plus exitant pour LULU que la découverte de cette audacieuse collaboration:
La rencontre entre deux ensembles, les STAN et Tiago Rodrigues,
Ici célébrés sans relache à chacune de leur création.
Après“ By Heart“,“Madame Bovary“, “Antoine et Cleopatre“, “Berénice“, Tiago Rodrigues s‘inspire cette fois du roman de Tolstoï, “Anna Karenine“.
Fidèle à son style d‘écriture immédiatement reconnaissable,
S‘appuyant sur la lecture de certains passages du texte lu comme intégrée à la représentation,
Il analyse, dissèque et transpose à notre époque chacun des passages décisifs du récit,
Repris souvent sous un autre jour, vécus par d‘autres protagonistes, dans le pays de chacun.
Vertigineux, subtils,
Interprétés successivement dans la langue d‘origine de chaque comédien,
formidable illustration de la diversité de résonnance des mots,
Les tableaux se succèdent en miroir:
Ainsi dévoilés dans leurs multiples déclinaisons,
Ils révèlent encore toute fragilité de la fidélité à une oeuvre,
Laissent libre court à toutes les interprétations.
Le jeu entrecroisé des quatre comédiens époustouflants: Jolente de Keersmaeker et Frank Vercruyssen, que l‘on ne présente plus à nos fidèles lecteurs,
Face à Isabel Abreu déjà remarquée dans Bérénice et Pedro Gil aussi très convaincant,
Hisse à l‘incandessence scènes de rupture, de passion, de drame,
Confère à chacun des personnages une humanité confondante: femme transgressive découvrant le feu de la passion, mari trompé méprisant ou désespéré, amoureux pressant ou transi.
L‘économie du décor: surplombant un mur peint de deux bleus, un auvent éclairé par quatre gros globes blancs, une table coté cour pour changement de costumes à vue, coté jardin, une énorme soufflante pour projection de plumes blanches,(Thomas Walgrave),
Comme des costumes: seul rappel de l‘époque du roman, une spectaculaire jupe à traine d‘un rouge profond portée par Anna dans la première scène,
Jonchera le sol, s‘étalant telle une large tache de sang,
Après le récit du suicide de l‘héroïne:
Relaté par ces interprètes,
Un dénouement porté au nadir du tragique par la soudaineté de la fatale décision et l‘horreur des faits,
Effaçant aussitôt quelques longeurs de la soirée.
Rare, bien rare semblable intensité.
Tg STAN et Tiago Rodrigues s‘imposent à l‘évidence.
Figures majeures du théâtre contemporain.