Après tant d’années, Thierry Harcourt nous fait redécouvrir l’œuvre « en version française » dans sa forme originelle.
A son retour d’Afrique, où il dépérissait d’ennui dans une ferme isolée, Tony, jeune aristocrate fortuné, s’installe à Londres dans une vaste maison que vient de lui trouver son ami Richard. La belle Sally, amour de jeunesse, l’y rejoint aussitôt. A peine installé, Tony manifeste une exigence : assurer son confort domestique. Sa fiancée, son ami vite négligés, aussitôt engagé Barret, le majordome aussi zélé que compétent.
Rapidement, entre les deux hommes s’installe une complicité.
Barrett prend progressivement l’ascendant sur son maître.
Il éloignera fiancée et ami sincère.
Dans le lit du maître ses petites amies prendront bientôt place.
Confiné entre ses murs, Tony, dans une passivité délibérée, se laisse aller à l’oisiveté la plus pernicieuse.
Ayant sombré dans l’alcoolisme, devenu « esclave » de ses serviteurs dans une demeure dévastée, face aux ultimes tentatives de ses proches, il affichera sa totale déchéance sans fard ni pudeur.
Dans le décor réussi de Sophie Jacob, avec ce canapé chesterfield sur lequel se jouent les destins, éclairé par le grand Jacques Rouveyrollis, accompagné par une musique de jazz choisie, Thierry Harcourt signe une mise en scène précise et intelligente.
Maxime d’Aboville incarne Barrett. Impeccable en butler prévenant et attentionné. Je l’aurais préféré plus inquiétant, insidieux, avec cette dose de poison vénéneux, tel le serpent qui s’insinue dans le fruit, sournois, retors, en manipulateur de son maître.
Tony, Xavier Lafitte, affiche son élégante indolence, sa passivité complaisante, de jeune membre d’une aristocrate sur le déclin, qui adopte par facilité un laisser-aller grandissant.
Interprétant avec beaucoup de rouerie, puis de gouaille, successivement les deux petites amies de Barett, Roxane Bret na manque pas d’esprit et de présence dans ses rôles de composition. Alexie Ribes fait ses début sur scène. Mince et séduisante, elle est la belle amoureuse délaissée.
Pour le rôle le plus ingrat, celui de Richard, l’ami sincère, entreprenant, loyal , Adrien Melin, avec prestance et sans aucune mièvrerie, parvient à donner force à son personnage.
Dans cette redoutable descente aux enfers on aurait souhaité percevoir davantage la menace sourde, inquiétante, inéluctable ; ce danger fatal qui rôde, tel un prédateur, pour mieux encercler et étouffer sa proie ; ces manœuvres diaboliques et parfaitement orchestrées et cette victime veule que l’on devine consentante.
Aujourd’hui fumer est interdit.
Pour cette soirée au demeurant très recommandable, l’atmosphère est délétère, seule la suffocation fait défaut.