ce livre d’Irène Némirovsky constitue à mes yeux le chef-d’oeuvre de cette très célèbre romancière à succès d’avant-guerre, arrêtée par des gendarmes français, déportée et morte à Auschwitz.
Dans leur adaptation scénique, Virginie Lemoine et Stéphane Laporte scindent ce long roman en deux parties et deux formes distinctes.
Discutable résultat.
A 19H s’abat « Tempête en juin »
Dénué de tout mépris, ce qualificatif décrit à la fois la peur panique de toute une population comme l’extrême violence des attaques ennemies.
Seul en scène, interprétant tous les personnages avec pour seuls accessoires une petite valise d’époque, une chaise et un imperméable,
le comédien nous livre une lecture véritablement percutante.
Implacable, non dénué d’ironie mordante, les descriptions impitoyables de l’auteur s’animent sur le plateau, les personnages se parent d’une confondante authenticité.
De ces descriptions sans concession, cocasses, critiques cruelles évoquées d’une plume incisive souvent, lucide et juste toujours,
ridicules, égoïsme, lâcheté, noblesse, conformisme ou courage discret, futilités comme obsession de conservation du patrimoine, caractères contrastés, divers, tous s’inscrivent dans le tragique d’une situation qui les exacerbe.
Frank Desmedt, qu’interrompt seulement les bruits terrifiants de tirs ou de bombardements, se glisse avec maestria dans la peau de chacun : modestes employés, riche banquier, mère de famille nombreuse catholique, écrivain à la mode avec, pour seul point commun face à l’envahisseur, la peur, la fuite, la panique.
Puissant, le texte prend ici un rare relief.
La mort rode, les drames se nouent.
L’intensité perceptible.
Une lecture qui sert l’auteur,
Un interprète qui convainc.
A voir sans hésitation.
Suite Française.
Plus question de lecture dans cette « deuxième partie »
Mais d’une « vraie » pièce de théâtre, avec dialogues adaptés du livre, personnages en costumes, décor reconstitué.
L’armistice a été signée ;
Nous voilà en province, dans un village de Bourgogne.
La scène se déroule dans le salon d’une riche bourgeoise, Madame Angellier :Béatrice Agenin,
Son fils est prisonnier en Allemagne.
Elle voue une haine féroce à l’ennemi, méprise sa belle-fille demeurée sous son toit : Florence Pernel.
Contrainte d’accueillir un officier allemand :Samuel Glaumé, elle s’y prépare en vidant, assistée de sa petite « bonne », Emmanuelle Bougerol, de tout ce qui pourrait faire l’ agrément de sa demeure.
La présence de l’étranger provoquera bien des renversements de situations.
Rien ne se passera comme prévu, chacun victime ou héros d’une situation que personne n’a souhaité , que tous subissent.
Double-jeu, compromissions, illusions perdues, vies détruites, amours dévastateurs, Irène Némirovsky a décrit avec un véritable talent, avec profondeur et sensibilité les personnages en clairs-obscurs de la « Suite ».
Madame Angellier, cette mère possessive souffrant de l’absence d’un fils vénéré ,
la désillusion conjugale, la vie étouffante, et l’impossible liaison avec l’officier allemand de la belle-fille détestée,
La vie de devoir accompli de l’officier, un musicien cultivé à la carrière interrompue, à l ‘épouse devenue une étrangère,
la châtelaine, Guilaine Londez, femme du Maire, prêchant la charité mais aussi cupide que compromise avec l’ennemi,
La petite bonne, cousine d’un fermier « combatif » contraint à la fuite pour échapper à la mort.
De la confusion des sentiments, des situations équivoques, des émotion contradictoires qui s’emparent des personnages, il ne subsiste aucune demi-teinte.
Démonstration trop appuyée, interprétations à l’identique,
cette « Suite » à l’aune d’un « réalisme » sans nuances,
Contraste tristement avec la première partie.
Après ce moment fort,
la déception.
Alors faites face à cette « Tempête en Juin »
Vous serez assurément emportés.