Amère encore celle de «Tempest project».
A la multiplication des effets de mise en scène de Lena Bréban, pour «Comme il vous plaira» du même auteur, vu la veille,
Succède le délabrement voulu des Bouffes, le dépouillement délibéré du décor avec, sur le plateau, deux bancs et quelques bûches.
L’intrigue se déroule sur une île mystérieuse.
Sauvés d’un naufrage, Prospero, Duc de Milan victime de la trahison de son frère allié au Roi de Naples , raconte à sa chère fille Miranda l’histoire de cette usurpation qui les a conduit sur ces rivages hostiles où ils survivent servi par le vil esclave Caliban.
De ses nombreuses lectures Prospero a acquis d’extraordinaires pouvoirs magiques: la maîtrise des éléments.
L’approche d’un navire transportant son frère, le Roi de Naples et son fils Ferdinand, lui fournira l’occasion de se venger avec l’aide du fidèle Ariel.
La tempête qu’il provoquera avec la complicité du dévoué Ariel, esprit du vent, fera couler le bateau.
Echoué sur l’île, Ferdinand le fils du Roi de Naples, tombera follement amoureux de Miranda.
Afin de s’assurer de la sincérité de Ferdinand, Prospero l’éprouvera lui faisant accomplir un travail épuisant, le transport ininterrompu des bûches. Tâche accomplie soutenue par l’amour pour Miranda.
Aussi assoiffé de vengeance, Caliban avec la complicité de Trinculo et Stephano, deux ivrognes au service du Roi de Naples, tenteront de leur côté de tuer Prospero afin de s’emparer de l’île.
Magnanime, Prospero accordera son pardon à ses agresseurs, comme à ses ennemis.
Il n’aspire qu’à retrouver son duché pour célébrer l’union des amoureux.
Brisant son bâton magique, il renoncera à ses pouvoirs surnaturels,
Fidèle à la parole donnée, il rendra sa liberté à Ariel.
Repentant, Caliban promet de fidèlement servir son bon maître.
Considérée comme l’ultime pièce de Shakespeare, «La Tempête» s’entend tel un conte, résonne comme une parabole de la liberté et du pardon.
Fidèle à sa conception de mise en scène,Peter Brook réunit dans sa distribution des acteurs venus d’horizons divers.
Ouverte, généreuse, la démarche n’en comporte pas moins de risques pour la compréhension du texte.
C’est hélas le problème de cette représentation à la distribution bancale.
Pieds nus, comme tous les autres comédiens, majestueux dans long manteau noir éclairé d’une écharpe blanche, le Prospero d’Ery Nzaramba ne manque ni de justesse ni d’autorité; hélas, il suffit qu’il s’adresse à une autre partie de la salle pour qu’il devienne inaudible, incompréhensible.
Pâle blonde au teint translucide d’angélique douceur, Paula Luna conserve des intonations limitant sa compréhension.
La légendaire Marilu Marini de «La Femme assise» de Coppi, n’est plus aujourd’hui que gesticulations grimaçantes, entre sourires d’illuminée invariablement répétés, moulinets de mains, ou pans de manteau relevés. Pathétique.
Que dire de la scène des ivrognes, farcesque à souhait.
Les jumeaux italiens, Fabio et Luca Maniglio, s’expriment avec l’accent rebeu. Flottant dans de trop grandes vestes blanches, cheveux ébène aux épaules, ils réduisent à néant tous les effets de cette scène du plus haut comique.
Si l’on ne peut reprocher à Sylvain Levitte son élocution, il force la note en Caliban; dénué de toute séduction, son Ferdinand ne convainc pas davantage.
Réduite à une durée d’une heure quinze,
Nous attendions un «concentré» d’émotions et de poésie,
Un précipité shakespearien.
Cette représentation n’apporte rien,
Qu’une nouvelle déception qu’on rêvait d’effacer.