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Tartuffe de Molière à l'Odéon, Ateliers Berthier, jusqu'au 6 juin

21/4/2014

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Bondy, ou l'Imposteur.
 Micha Lescot me fascine depuis longtemps déjà. Découvert en 2006 dans "Jusqu'à que la mort nous sépare" de Remi de Vos, j'ai assisté à presque toutes ses créations théâtrales jusqu'au "Retour" de Pinter.

C'est pour lui  que j'ai souhaité voir ce "Tartuffe", ne faisant pas mystère de mon peu d'attirance pour Luc Bondy.

Molière en costumes contemporains, pourquoi pas. Dernièrement dans "L' Avare"d' Ivo Van Hove avec le  Toneelgroep d' Amsterdam, Harpagon occupait un loft gigantesque, rivé à ses écrans d'ordinateurs,  rendu fou soudain par la disparition d'une clé U.S.B. en lieu et place de la cassette.

 Une transposition , pas une trahison.

" Tartuffe" vu sous le prisme d'une "histoire de famille", tel est le postulat affiché du metteur en scène( qui reprend sa création de Vienne ). Et d' affirmer " l'importance de ce que raconte les corps des comédiens".

Issue de la grande bourgeoisie, la famille d'Orgon évolue dans le très majestueux décor de Richard Peduzzi.Salle immense, sol en damier, élégant mobilier , perdu dans un angle un canapé étroit. D'imposantes tentures de velours cramoisi ,au fond, dissimulent l'étage , les portes des chambres ouvrant sur une galerie; de couleur cognac, coté cour, elles peuvent clore l'entrée de cette vaste salle. Au centre la table familiale. Sur sa chaise roulante Madame Pernelle y préside, bientôt rejointe par les autre membres de la famille:

 Elmire, Clotilde Hesme, blonde filiforme,  démarche mal assurée, semble très dépressive et avale un cachet . Elle tangue un peu,l'air absent, enveloppée  de somptueux atours, motifs des reproches de sa Belle-Mère. 

Madame Pernelle, Françoise Fabian, inaudible dès le cinquième rang, nous prive de ses récriminations. A la trappe cette irrésistible illustration de l'esprit borné, délicieux alliage de sottise et d'intolérance.

Oubliée la forte nature de Dorine, Lorella Cravotta, incarnation du sens commun des "gens simples", servante au franc-parler, à l'autorité affirmée, métamorphosée en bigote, rentrant du marché, tout de noir vêtue, tête couverte par un foulard(noir) se signant,  panier au bras, face au crucifix .
De sa lucidité, ses remontrances , ses fines observations, il ne demeure rien.  Juste réduite au rang de" vulgaire intrigante", ne nous laissant pas même entendre le fameux "Il en est coiffé".
Une partition plate, fade, sans sel, ni  cette faconde qui lui confère sa délectable saveur.
 
A l'opposé,  Damis ,Pierre Yvon, incarnation de la révolte animée du feu de la jeunesse, devient obèse,  velléitaire jusqu'au ridicule,et gratifié d'un "Papa, Papa, Papa", indispensable réplique ajoutée par les soins du metteur en scène.

Quant à Orgon bien malin qui comprendra pourquoi il s'est entiché de ce Tartuffe.
Prêt à renoncer à sa parole, à lui sacrifier femme et enfants, à lui faire don de  sa fortune. Sourd à tous les conseils de ses proches, et à ceux de son frère, en particulier. Il est vrai, Laurent Grévile en  Cléante, falot, inconsistant et inodore.ne saurait persuader quiconque.
Bien trop peu perceptibles les profondes motivations de ce Père despotique en dehors de l'exercice d'un pouvoir absolu, basé sur l'autorité paternelle et le caprice du moment. Le piège de l'homosexualité a voulu être esquivé.
A la bonheur. Mais l'imposture, le danger menaçant, le pouvoir de l'intriguant, la perversité de l'hypocrite, l'aspect sournois du faux dévot, le mielleux du séducteur, son manque de scrupule le plus absolu, le coté révoltant du personnage, l'ignominie de cet être vil et méprisable dénoncés,  il ne reste rien.

Micha Lescot, qui sait comme personne jouer de son corps mince et interminable, capable de s'enrouler sur lui-même, pour mieux s'élancer, tel un serpent prêt à étouffer sa proie, se contente ici de promener sa  silhouette voutée, tête dans les épaules, nu-pieds, mains dans les poches ou  repoussant ses cheveux derrière l'oreille. Voix légèrement métallique et monocorde, indifférent, étranger, jamais insidieux, le séducteur  se transforme en violeur avec arrachage de la petite culotte d'Elmire plaquée au sol,  avant qu' Orgon ne surgisse de dessous la table, couvert de la nappe, tel un fantôme sous son drap blanc.
Et les rires font place à l'effroi.

"On perd un peu Molière" semble regretter une éminente critique .Pudique litote.
Plutôt Molière transformé en bouillie pour chats .
Encore un chef d'œuvre réduit à néant.

Il faut impérativement au directeur de l'Odéon le courage de prendre lui-même la plume et noircir son papier comme son camarade Joël Pommerat.
Disposant ainsi de son propre matériau, le contrat serait honnête, l'assurance de l'ennui et de la prétention clairement affichés.
Un pareil massacre évité.
L'imposture enfin démasquée.









































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