L'audace insensée de Molière quant au choix du sujet lui valut d'implacables ennemis, cinq années d'interdiction et l'aggravation notoire de sa santé chancelante.
Pièce majeure du grand répertoire, l'hypocrisie religieuse, l'intolérance, l'intégrisme y sont dénoncés avec un courage, une justesse et une intelligence qui font tout le génie de Molière.
Mais dès les premières minutes de la représentation rien ne laisse présager d'un avenir radieux.
Le décor glacial blanc-crème (Nicolas Sire) composé de panneaux coulissants en fond de scène fait apparaître une immense fresque sulpicienne avec ange à la chevelure parsemée d'étoiles électriques.....
Les costumes (Marion Bierry et Virginie Houdinière) disparates à souhait, illustrent un mélange incongru de modes à la fois médiévale, renaissance, grand siècle et romantique: étrange.
Une musique superflue vient couvrir les voix des interprètes qui s'agitent en tout sens sur le plateau sans raison apparente.
Portée à l'indulgence, j'attends la suite.
L'espoir est de courte durée.
Marion Bierry ne sait pas où elle va.
Après une exposition conventionnelle et sans éclat, changement de cap: elle tire l'intrigue vers le boulevardier le plus daté façon "Au théâtre ce soir".
L'ultime scène de séduction entre Elmire et Tartuffe devient une pitoyable pantalonnade du plus navrant effet.
Au dénouement le "Deus ex-machina" se transforme en Roi Soleil de pacotille juché sur son piedestal: grotesque.
Chez Tartuffe pas trace de noirceur d'âme (rôle sans doute tenu par d'affreux rideaux noirs rythmant les changements de tableau?).
L'ignominie du personnage inexistante, le bonhomme réduit au rôle de vulgaire profiteur, de pique-assiette professionnel.
Les menaces insidieuses, les chantages pervers évacués.
Orgon, fallot personnage sans aucune présence a la voix rauque, cassée, inaudible.
Elmire s'exprime avec un accent étranger si fort qu'on ne sait si elle ne souffre pas davantage d'une malformation de la gorge en dépit d'un physique avantageux.
Passons avec pudeur sur les autres protagonistes et rendons grâce à Chantal Neuwirth (Dorine) et à Jacqueline Dano (Madame Pernelle) d'émerger par moments de cette fâcheuse distribution.
Ne pouvoir ouïr ce texte sublime est impardonnable.
Endurer pareil spectacle relève du martyr (Tartuffe oblige).
Le cristal et les ors du si beau théâtre de Paris ne sont pas une consolation.