Danses et nostalgies.
Elle est curieuse de découvrir le pays où son père est né.
Lui, est l’incarnation d’un amour perdu, de rêves brisés.
Ainsi ils nous font traverser les soubresauts du pays.
Ce refuge d’exilés poussés par la misère, terreau d’une singularité forgée dans la diversité, connaîtra aussi son flot d‘exilés fuyant la dictature militaire, avant de renaître.
Abstraction faite de:
la surabondance de vidéos narratives, (à l’exception du bouleversant témoignage de mères de disparus sous la dictature militaire, surnommées les « folles » de Mai par les militaires)
de la défaillance de quelques surtitres,
de la minceur de l’intrigue,
Mais fascinée dès les premières minutes par la virtuosité des danseurs,
l’écoute des musiciens,
les paroles des tangos, souvent pure poésie,
Le personnage du vieux serveur désenchanté, torchon à la main, âme du lieu,
L’apparition lointaine d’un premier couple derrière le rideau de franges, mobile et coulissant sur le pourtour du plateau,
Sous les lumières incroyablement subtiles de Dominique Brugière,
Lulu s’est abandonnée à cet univers envoûtant dans lequel fusionnent et s’expriment abandon et tristesse, passion et nostalgie, drames et douleurs au son d’une musique souvent déchirante, dans une chorégraphie aussi maîtrisée qu’érotique.
«On comprend quelque chose du monde qu’on ne peut pas dire»
tel est le «sens» du tango magnifiquement défini par l’auteur.
Magnifiques exécutants, les couples, dans une parfaite maîtrise des figures, virevoltent et se frôlent, s’étreignent ou se repoussent, s’entremêlent et s’envolent jusqu’en des figures acrobatiques sur les accords déchirants du bandonéon de Victor Vilena,,les pleurs du violon d’Aurélie Gallois, et la voix de la chanteuse.
Ils nous permettent d’oublier la faiblesse des dialogues.
Moment de plaisir partagé par la salle comble,
Un spectacle qu’il faut voir pour sa musicalité, la performance de ses danseurs.
Il nous permet de saisir le sens profond de cette danse lourde de significations.
Pour aficionados et néophites.
Reprise à ne pas manquer:
«La Campagne» de Martin Crimp avec Isabelle Carré à la Scala. Se reporter au Lulu du 1er février 2022. Un grand auteur contemporain, une comédienne au sommet,«formidable dosage de l’étrange et du réel». Du théâtre.
A éviter:
«Mademoiselle Chanel en hiver» de Thierry Lasalle, au Théâtre de Passy, avec Caroline Silhol et Christophe Barbier.
Pièce sur l’exil en Suisse d’une Coco Chanel compromise pendant la guerre avec un officier allemand.
Une évocation focalisée sur les intrigues, les addictions, de Chanel , les lachetés et les ambitions de Paul Morand, tous deux exilés en Suisse après la liberation.
Une succession de bons mots à l’aune d’un faux Guitry,
Texte artificiel, interprétation surjouée et affreusement datée des comédiens, Caroline Silhol et Christophe Barbier.
Une formule qui fait recette pour amateur de presse à scandale.