La "Comédienne" au sens le plus noble du terme, y est analysée dans son infinie complexité:
Evocation de l'image de la comédienne aussi mystérieuse que fascinante qui nourrit l'imaginaire de ses admirateurs.
Evocation de son art vécu comme un sacerdoce conduisant au renoncement de toute vie personnelle.
Evocation de l'irruption soudaine, chez cette femme, de la passion charnelle dans l'amour brûlant d'un jeune peintre.
Evocation très audacieuse de l'échec du rapport amoureux face au "mâle" préoccupé par son seul plaisir de possession.
Enfin, évocation de son retour au théâtre et à son art, aboutissement définitif après son douloureux cheminement pour se trouver après s'être perdue.
Quelle pièce, quel texte admirable, profond, plongeant dans les abîmes des interrogations sur le processus de création et de "re-création" contenu dans tout le théâtre.
Que de vertiges, de jeux de miroirs.
Fascinant, prodigieux Pirandello.
Hélas, hélas, ni vertige, ni fascination chez les interprètes mis en scène par Stanislas Nordey.
Dans la monumentale et écrasante scénographie d'Emmanuel Clolus, seuls Frédéric Leydegens (le Comte) et Véronique Nordey (la Marquise) se montrent à la hauteur.
Le personnage d' Ely Nielsen (Vincent Dissez), lippe pendante, éructant son texte et gesticulant en tous sens, est loin d'incarner l'homme pour lequel Donata abandonne brutalement sa carrière.
Quant à Emmanuelle Béart (Donata), si je ne doute pas de la sincérité de son engagement, elle a beau faire son entrée spectaculaire en haut d'un grand escalier, arborer des tenues couleur d'émeraude en dépit de toute superstition, son jeu déjà bien décevant en 1996 dans Ibsen n'a guère évolué depuis, en dépit de ses efforts sur scène, aussi visibles qu'inefficaces.
Sa platitude, son manque d'intensité, sa fausse fragilité en font un personnage tristement toc.
En sortant de la salle, le nom de la regrettée Delphine Seyrig me vient spontanément à l'esprit.
Ce que j'ignorais à cet instant c'est qu'elle donnait la réplique à Sami Frey dans cette même pièce en 1966 sous la direction de Claude Régy.
Petite satisfaction,
Maigre consolation.