Inoubliable représentation dont la force dramatique vous saisit, vous bouleverse et vous laisse comme paralysé anéanti par son intensité.
Face à face? duo, ou interrogatoire?
Tendresse ? cruauté, ou douleur?
Jamais de certitude dans les sentiments qui réunissent ou opposent ces deux femmes: équilibre introuvable, instabilité permanente, voltes face surprenantes émaillent ce dialogue extraordinaire entre une Grand-Mère âgée, ancienne comédienne, et sa petite fille éblouissante de jeunesse.
En dépit d'une mémoire vacillante, on voit comment, cette aïeule tente de recréer, par bribes et en dépit de ses esquives, un passé douloureux, sur lequel revient inexorablement la jeune fille: la mort de sa Maman, le jour même de sa naissance, Savannah, fille de la vieille dame.
Tous les mystères de l'amour, de la mort, du rêve et du réel évoqués dans le texte superbe de Margueritte Duras est véritablement "sublimé" par l'interprétation d'Emmanuelle Riva.
Timbre de voix, intonation, changements de tons, ruptures de rythme inimitables;
Douceur enveloppante, tendresse débordante, espièglerie narquoise, tristesse infinie,résignation ou nostalgie du passé , et encore, éblouissements revécus:
voilà bien maladroitement décrites les innombrables nuances, les subtilités, les facettes d'une infinie délicatesse du jeu de cette immense comédienne, dont le texte de l'auteur évoque aussi le "métier" de comédienne.
Anne Consigny, lumineuse , fraîche, enjouée, implacable aussi, malicieuse parfois, illustre parfaitement son personnage, à la fois complice et "persécutrice" de sa Grand-Mère.
La même souffrance les réunit cependant.
Jusqu'au dénouement où la jeunesse finit par triompher de toute les douleurs, abandonnant sans remord, une vieille dame à ses éternels tourments.
Didier Bezace signe une mise en scène d'une très grande beauté, servi par les décors de Jean Haas, les lumières de Dominique Fortin et les costumes de Cidalia Da Costa .
Trois cloisons d'un blanc incandescent délimitent le plateau qui s'entrouvrent pour laisser entrer les héroïnes, comme leurs âmes laissent échapper leurs souvenirs. Un large praticable lazuré gris, allégorie de la scène sur la scène, renforce le coté "théâtral" et dramatique de certaines entrées et sorties des interprètes. enfin, la chanson de Piaf et la lancinante litanie du saxophone finissent d'apporter à la représentation toute sa déchirante mélancolie nostalgique.
Des moments à jamais gravés dans notre cœur, brisé comme jamais.