Force d’un texte.
il l’a fait,
et signe aussi la mise en scène!
Victor Hugo, fervent défenseur et admirateur inconditionnel du dramaturge anglais, réunit dans Ruy Blas tous les éléments de théâtre de Shakespeare:
Dans ce drame romantique se mêlent passion, vengeance, soif de liberté, dénonciation de l’exploitation du peuple, enlèvement, assassinat, sacrifice, suicide.
Ecrite en vers, la pièce en cinq actes narre le drame d’une machination diabolique.
Au XVIIe Siècle, Don Salluste, Grand d’Espagne disgracié par la reine, décide de la compromettre en se servant de son valet qu’il va faire passer pour son cousin, Don César, noble ruiné devenu «vagabond», qu’il a fait enlever.
Fou d’amour pour sa souveraine Ruy Blas, rebelle issu du peuple, accepte le marché, unique moyen d’enfin approcher sa souveraine.
Un stratagème qui hissera le héros, devenu favori, au rang de premier ministre et le conduira, pour la sauver du piège de Don Salluste, à se donner la mort face à elle non sans avoir tué en duel Don Guritan, vieux soupirant jaloux, et à poignarder son maître après qu’il lui ait révélé la véritable identité de Ruy Blas, vulgaire laquais à ses ordres..
piège, passion, révolte et sang baignent d’un romantisme échevelé le drame de Victor Hugo.
Côté distribution, Jacques Weber, grand comédien( il suffit de se souvenir de son magistral «Roi Lear», Lulu de novembre 2021) possède pleinement la stature et la puissance destructrice de Don Salluste incarné avec cette voix magnifique, sa diction impeccable.
De sa haute taille il domine avec superbe toute la distribution.
Kad Merad, Don César, son cousin impénitent jouisseur criblé de dettes devenu flamboyant vagabond, fait du Kad Merad. Ni bien, ni mal, il joue sa partition sans véritable erreur, sans véritable caractère.
Stéphane Caillard, silhouette de liane, irradiant d’élégance aristocratique dans son costume écarlate, émeut dans le rôle de souveraine délaissée par son époux royal, que seule la chasse intéresse. Déjà admirée dans «Guerre» de Lars Noren mise en scène par Chritian Benedetti à Alfortville, sa voix hélas, lorsqu’elle devient murmure, se perd dans la grande salle du Marigny. Immanquablement, son personnage en souffre.
Pour tous les spectateurs qui n’ont pas vu Gérard Philippe, en Ruy Blas en 1958 au T.N.P. (dont Lulu trop jeune à l’époque de Jean Vilar), le «débutant»Basile Lary, découvert par Jacques Weber au Cours Florent, assure avec un certain panache le rôle de ce serviteur passé au faite du pouvoir par la faveur d’une reine qui a reconnu en lui l’amoureux mystérieux qui, chaque jour, lui déposait secrètement des fleurs sur son banc de promenade.
Fougueux jusqu’à l’excès, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un drame romantique,
En conformité avec l’exergue du programme:
«Un Ruy Blas ... résolument moderne»
On l’aurait préféré un peu plus «poète», idéaliste.
Mêlant costumes modernes et d’époque, Michel Dussarat fait de l’apparition de la reine une entrée rayonnante moulée dans son long fourreau caraco richement brodé et mantille incarnat, éclairée par les lumières de Georges Lavaudant.
Il habille intelligemment Jacques Weber, entre veston chic et manteau d’époque.
Nettement moins inspiré pour les hommes qu’il habille en complets-veston tee-shirts et chemises blanches d’une affligeante banalité. Le total look écossais, du bonnet à pompon jusqu’aux chaussures de Don Guritan, ne confère pas davantage de comique au personnage de ce caricatural vieil amoureux jaloux .
Moins encore justifiés, les quelques numéros d’acrobatie, chantés, dansés au son de «Tea for Two» accompagnés de projections cinétiques projetés en fond de plateau
Facilités superflues, sans originalité, inutiles.
Ces faiblesses dénoncées,
Pour une fois, Lulu se montrera bien plus indulgente, que l’ensemble des critiques publiées dans les colonnes de grands quotidiens.
La beauté du texte véritablement transmise,
Son attention n’aura jamais faibli.
N’est ce pas l’essentiel?