Voilà deux spectacles que vous ne pourrez voir, ils ne sont plus à l’affiche.
Pour leur singularité:
Les deux parlent d’apesanteur,
Le premier vient d’être créé.
Le second l’a été en 1996.
Depuis 2003 avec «La Veillée des Abysses» suivie de«La Symphonie du Hanneton», d’«Au Revoir Parapluie» et «Raoul» James Thierrée, petit fils de Charlie Chaplin, n’a cessé de nous subjuguer, de nous éblouir, de nous surprendre, de véritablement nous transporter avec ses spectacles aussi acrobatiques, qu’incongrus créés au sceau de son imagination sans limites, dans ses décors plus qu’insolites.
Inénarrables, baroques, géniaux, n’ayons pas peur des mots.
De retour au Châtelet, après avoir donné à Lyon et Montpellier ses précédentes créations,
Pis qu’une déception, ce dernier spectacle, n’a été que désillusions.
Pâle reflet d’un génie à bout de souffle, s’époumonant, gesticulant, il est entouré de femmes longilignes, tantôt cantatrices, tantôt acrobates contorsionnistes et d’un orchestre bruyant.
En dépit de sa ressemblance frappante avec son aïeul sous sa chevelure en bataille neige, s’étant découvert une nouvelle vocation :chanteur- compositeur, il nous inflige une dizaine de ses discutables compositions.
Trop nombreuses, interminables, accompagnées par des musiciens qui se veulent comiques à l’occasion, elles anéantissent le rythme de la soirée, agressent nos tympans sans pitié..
Seuls souvenirs d’une poésie passée, son décor composé de panneaux géants mobiles,
cloisons d’une chambre au décor poussiéreux, au miroir terni. Ils se croisent, se retournent, se juxtaposent, s’éloignent, reviennent, dans un ballet qui joue d’effets miroir, théâtre dans le théâtre.
Boiteux, laborieux, répétitif, reprenant certains effets mille fois vus,
L’indigence du contenu, les rengaines à répétitions, le volume du son,
ont eu raison de la patience de Lulu.
Grommelant, dépitée, attristée,
elle s’est esbignée aussi discrètement que possible, au milieu d’un public convaincu.
Vu quelques jours avant «Room», dans un espace plus restreint, sur le plateau du Théâtre Bastille, «l’Homme de Plein Vent» nous a emportés dans un souffle bienfaisant, incongru et comique.
Deux personnages sont sur scène. Un peu clown blanc et Gugusse, l’un est vérificateur des poids et mesures, l’autre, un utopiste rêvant de s’élever et s’efforce de convaincre son compagnon de suivre ses tentatives de lévitation.
Ses recherches sur l’apesanteur se réalisent essentiellement à l’aide d’expériences inattendues, fantaisistes, saugrenues, toujours comiques, et toutes réalisées avec un sérieux digne de grands
chercheurs à l’aide d’instruments fort peu conventionnels, et souvent au prix d’équilibres le plus périlleux.
L’observation de boulets lancés dans des tuyaux de gouttière posés à la verticale retombant lourdement sur le sol, l’irrésistible dressage d’un ressort surgi d’une caisse transformée en spirale ascensionnelle avant de redevenir furieuse bête sauvage dans un effrayant vacarme, un crochet géant aux longs balancements menaçants, frôlant les protagonistes, la toile de fond qui monte dans les cintres pour mieux engloutir nos héros en se repliant ne suffiront pas à décourager notre poète:
«cet écrasement tout reste à faire»
Le rêveur finira cependant au firmament, flottant parmi les astres scintillants, par la grâce à son ami qui lui lance différents objets jusque dans les cieux ;
«Je ne peux pas rester éternellement là-haut» conclue-t-il.
Duo incarnant la dialectique d’un refus du nivellement» et du «conformisme» comme l’écrit Pierre Meunier,
parfaitement réglé par les machinistes- bruiteurs virtuoses,
Plus que rafraîchissant,
Un spectacle euphorisant,
impossible à passer sous silence.