Résolument contemporaine, cette transposition ne nuit en rien à l'action.
Par ce traitement , Nicolas Briançon lui confère une grande proximité, magnifie son intemporalité.
Les bagarres entre bandes rivales; le bal animé avec micro pour l'organisateur, orchestre populaire et farandoles endiablées; le simple lit de fer laqué blanc servant aussi de balcon dans la scène éponyme, l'utilisation d'accessoires réduite à quelques symboles essentiels donnent aux premiers actes de la tragédie un rythme et une résonnance magnifiquement soutenus par une distribution où brillent de très nouveaux jeunes talents aux cotés de leur excellents ainés.
Pour leur première apparition sur scène, Ana Girardot, frêle et exquise Juliette, et Niels Schneider, Roméo cheveux blonds en bataille et physique romantique à souhait, ont toute la jeunesse, la beauté, la grâce et la fraicheur requises par ces rôles d'amants de légende. Vibrantes d'amour, leur plus belles tirades nous enivrent de toute l'admirable poésie shakespearienne.
Valérie Mairesse se découvre formidable de verve, de truculence et de tendresse en nourrice aimante.
Bryan Polach, Tybalt cousin de Juliette, Dimitri Storoge, Mercutio, Adrien Guitton, Grégoire l'illetré, coté des jeunes très prometteurs, Bernard Malaka, le Frère Laurent, Pierre Dourlens, le Prince, et les Parents, Valentine Valera et Charles Clément, campent chacun leur personnages avec une rare authenticité.
Alors pourquoi ces quelques fausses notes finales?
Juliette mourant dans cette robe de dentelle incarnat à jupe de tulle exagérément bouffante, telle une poupée Barbie allant au bal, la pluie de plumettes rouges tombant des cintres sur son corps .Cette dernière scène, au dénouement mélodramatique en soi par l'accumulation de morts et d'assassinats ( reprouvé au Gand Siècle en notre royaume ) en devient presque risible.
Mais le pari est gagné.
Le partenariat Camus-Briançon, pour le troisième Shakespeare monté à la Porte St-Martin, est une riche et belle production tout à l'honneur d'un théâtre privé qui parvient à l'alliance d'exigence et de qualité grand public.
Il y a fort à parier que le succès sera au rendez-vous.
Justifié.