Haute tenue
De son théâtre je garde essentiellement le souvenir de son plus grand succès public avec « Le souper » qui opposait Fouquet à Talleyrand, interprétés par Claude Brasseur et Claude Rich. Une forme que je jugeais sévèrement, « brillante » et conventionnelle à la fois, tout comme « L’ Antichambre « mettant cette fois en scène Madame Du Deffand .
« Pascal Descartes « est une pièce antérieure que je n’avais pas encore vue.
L’écoute de cette œuvre profonde, dont le texte résonne avec toute la beauté, la rigueur, la pureté du style Grand Siècle pourrait suffire à notre bonheur.
Ni pédagogique, ni psychologique, autrement intéressant, le texte donne réellement vie aux « philosophes », hommes de génie dont les écrits n’ont pas fini de nous éblouir.
Descartes, l’ainé dans la force de l’âge, homme de sciences, caractère mesuré, pragmatique, et bon vivant, défend le rôle du savoir dans le progrès des connaissances : il incarne la » raison «.
Pascal à vingt- quatre ans, est déjà l’inventeur, entre autre découvertes, de la « machine à calculer ». Devenu mystique, torturé par le problème de la mort, seules lui importent désormais les questions de la « grâce » et " de la prédestination " . Il est l’homme de foi, dans ce qu’elle a de plus exigeant.
Réunis dans une cellule plongée dans la pénombre, assis face à face, parfaitement costumés et maquillés, Daniel Mesguich est Descartes et William Mesguich, son fils, Pascal.
La mise en scène sobre voulue par Daniel Mesguich, joue « sur la diction dans le phrasé, dans le regard, dans le jeu d’acteur » .
Physiquement confondants d’authenticité, le père et le fils se révèlent tous deux admirables dans leurs rôles respectifs.
Descartes érige la connaissance comme but suprême de l’homme.
Pascal, la sainteté.
Positions inconciliables.
Antagonismes profonds.
Une rupture conclura l’entrevue.
Témoins émerveillés de cette unique rencontre restée mystérieuse, auditeurs subjugués par l’élévation du débat.
Oublieux de nos préoccupations mesquines, emportés vers des territoires délaissés, survolant les cimes de l’intelligence, chacun y gagne quelque grandeur.