A la différence d'un autre de mes jeunes et brillants lauréats, Jean Bellorini, qui réunit une nombreuse troupe et recourt à d'étonnants effets de mise en scène pour ses "Paroles gelées" du même Rabelais( reprises au Rond-Point en mars prochain, je ne saurais trop vous encourager à réserver) Benjamin Lazar se suffit de la présence d'Olivier Martin-Salvan accompagné de deux musiciens pour nous enchanter d'un spectacle dont la magie opère sitôt le rideau levé.
Olivier Martin-Salvan, prète sa stature impressionnante au bon géant, vêtu d'un incroyable manteau de paille naturelle bordé de fourrures sans lustre.
De sa voix de stentor, ou murmurant comme dans un souffle, il module à merveille ces admirables phrases en "vieux françois".
Dans un scrupuleux respect de la langue de notre grand auteur, résonnent avec un naturel aussi évident que surprenant, toute la subversion, la paillardise, la démesure, l'intelligence contenus dans ce texte admirable.
Papier doré qui se déploie jusqu'aux cintres lors de la lecture de la lettre de Gargantua, baudruches terminées par de curieux filaments scintillants voletant sur tout l'espace du plateau, masques de paille des musiciens ou tête de lit fait de branchages improbables, composent une scénographie qui atteint à la féérie. Adeline Caron en est l'auteur, elle suscite toute mon admiration.
Seule la musique accompagnant le spectacle (interprétée par Benjamin Bédouin et Miguel Henry) vient malencontreusement affaiblir la fin de la représentation , ralentissant celle-ci de ses trop longs intermèdes, elle nous laisse entrevoir comme un regrettable essoufflement .
Mais foin de ces chicanes, et ne conservons que "La substantifique moelle" .
Grandement savoureux, vous disais-je.