Percutant.
Que nenni, rassurez-vous chers lecteurs, de nombreuses nouvelles créations remplissent l’agenda de Lulu pour les semaines à venir.
Seules ses contraintes de fin de saison l’ont empêchée de voir ce spectacle.
Quatre Molières lui ont été attribués depuis, cette lacune devait être comblée.
A la perplexité, sinon au scepticisme provoqués par un début proche d’une vulgaire pièce de boulevard pour trentenaires,
succède au bout de quelques répliques un indéniable revirement.
Impossible de ne pas subir la séduction exercée par ce jeune couple, débordant de vie, d’amour, d’humour.
Dans un découpage très cinématographique, Jeanne et Arthur entament une existence heureuse.
Cocasses, les scènes de tendresse, de séduction, de disputes désamorcées, se succèdent.
Au quotidien, règnent la légèreté, le rire, le plaisir partagé.
Surgit la maladie, insidieuse, perverse, implacable.
Parti acheter du lait et des timbres pour Jeanne, Arthur perd soudain ses repères.
Premiers signes d’une descente aux enfers.
Nous en partagerons chacune des épreuves vécues par ce jeune couple: lui frappé d’Alzheimer, elle à ses côtés jusqu’au dénouement fatal.
Sans le moindre relent mélodramatique,
Percutantes, découpées au scalpel, décrites avec une précision «chirurgicale», les scènes se succèdent, brèves, intenses, avec leurs ruptures de rythme.
Les formidables éclairages de Moîse Hill, baignant le plateau de rose fluo ou bleu fort viennent sublimer les situations,
Évoluant dans une scénographie de Bastien Forestier, dépouillée avec son ouverture rectangulaire dans la cloison de fond de plateau où parfois seules apparaissent les têtes suivant les situations,
à l’aide d’un minimum d’accessoires stylisés, symbole de table, lit ou chaise en fonction des besoins de l’action,
Julie Baup et Thierry Lopez, follement complices, «vivent» leurs personnages.
Qu’ils batifolent durant les jours insouciants,
Qu’il se raccroche à ses souvenirs,
essaie de faire bonne figure face au médecin,
qu’elle subisse ses accès de violence, confesse sa tentation meurtrière quand elle imagine le noyer dans son bain à un moment où elle le croyait «heureux»
que tous deux «encaissent» les diagnostics-verdicts de la faculté,
Julie Baup et Thierry Lopez sont confondants de finesse, de drôlerie, d’authenticité, d’humanité.
Other Words de Matthew Seager révèle encore un talent anglais,
L’adaptation des interprètes signe une vraie réussite.
Évacuant la décrépitude de l’âge et le pathos,
S’attaquant à ce couple aimant, doté du sens de l’humour,
le mal tant redouté, n’en n’est pas moins cruel.
Sa noirceur tempérée, nous en sortons cependant émus et bouleversés.