Barrière de langue définitivement neutralisée, le spectacle est un festival d’effets sonores et visuels.
D’un raffinement d’orfèvre, d’une précision horlogère, à l’exclusion du moindre dialogue intelligible, voici décrite, avec autant d’ironie que d’empathie pour ses personnages, la journée de six employés dans l’open space d’une compagnie d’assurance.
Bruitages divers et onomatopées variées, comique de situation et sens aigu du burlesque, constituent un début de soirée qui s’apparente aux chefs d’œuvre du muet :
En prologue, bedaine rebondie et trainant la jambe, une technicienne de surface projette avec la même nonchalance imperturbable le jet de son spray nettoyant, suivi de quelques gestes aériens du chiffon à poussière, avant que de frapper avec autorité le sol de son manche à balai pour allumer un néon récalcitrant puis sortir, de son pas de sénateur claudicant, sa dextre soulageant visiblement une démangeaison à la fesse droite.
Aussitôt vomis par l’ascenseur, nos six employés (trois femmes et trois hommes) se livrent chacun à leur rituelle « prise de contact » révélatrice : changement de chaussures ou « coup de l’étrier » secrètement ingurgité s’accompagnent gracieusement du grincement des roulettes et couinements des ressorts des fauteuils avant que ne retentissent sans interruptions les sonneries des téléphones et ne résonnent toutes les conversations mêlées.
L’inévitable pose café, le passage obligé dans la cabine des fumeurs, l’usage des « commodités » comme de la photocopieuse forment encore d’inénarrables épisodes d’un comique accompli.
Mais notre plaisir prend fin aussitôt que l’histoire cède à des digressions aussi balourdes que caricaturales : patron métamorphosé en dictateur, coup de foudre obligé entre le beau black, pourtant coqueluche de ces dames, et l’ouvrier franchouillard, numéro de streap-tease exécuté sur son bureau par l’employée binoclarde transformée en bombe sexuelle, anniversaire fêté sur place, sont autant de saynètes totalement dénuées de la fantaisie précédente.
Echappant au début à la banalité et la vulgaire caricature, le sujet se voit vite épuisé, tombant dans l’outrance et le remplissage.
Obligation de durée du spectacle ?
La soirée se limitant à sa première partie, la perfection était au rendez-vous.
Ainsi rallongée, le comique cède à l’ennui.
De la vertu de la concision.