Cette "super production" m'avait plus qu'agacée avec ses personnages sans chair, fades sinon stupides, évoluant dans ces décors somptueux et ruineux , pareils à des écrins vides.
Rien de semblable au Théâtre Studio d'Alfortville.
Un ancien entrepôt, murs de béton poutrelles métalliques, sert de cadre à la pièce.
Sur scène (en fait sur le sol de la salle) quasiment rien: une table, quelques chaises d'écolier, une balançoire au premier acte, un samovar ou un canapé pour les actes suivants.
Les comédiens déplacent eux-même ces éléments.
Grande leçon d'économie et d'efficacité que de parvenir ainsi, avec véritablement" quatre bouts de ficelle", à recréer une atmosphère si authentique, si profondément tchékhovienne.
Mais la plus belle démonstration vient essentiellement du sens dramatique étonnant de Christian Benedetti, le metteur en scène.
Habillés comme aujourd'hui tous les comédiens interprètent le texte avec une rapidité tout aussi contemporaine, seulement interrompue par des silences mesurés à la seconde près.
Le rythme surprenant, en rupture totale avec la tradition tchékhovienne, confère une telle intensité à la pièce, que rarement la force du désespoir de chacun n'est apparue avec tant d'acuité.
Les rêves brisés, les existences sacrifiées, les obligations de faire face ou de se résigner, prennent ainsi un relief exceptionnel, paraissent d'une modernité incroyable, et dégagent une rare émotion.
C'est admirable, du théâtre de grande noblesse.
Mais Alfortville vous parait impraticable !
Rassurez-vous.
A la rentée vous n'aurez plus d'excuse: Christian Benedetti ouvre la saison au Théâtre Edouard VII avec cet "Oncle Vania" et "La Mouette".
Vous êtes prévenus.