Une fois encore, que se passe-t-il ?
Serais-je la seule voix dissonante pour rompre l'harmonie de ce concert de louanges qui salue Alain Françon et son "Oncle Vania".
Pour moi l'échec est patent.
Tchekhov un auteur qui émeut, dont les personnages vous serrent le coeur et concentrent toute la tristesse d'une époque finissante, toutes les désillusions des amours impossibles, tous les idéaux humanistes déçus, et toutes les impuissances à faire face à la réalité.
Alain Françon, dont j'ai salué la qualité des dernières mises en scène (Extinction, Fin de Partie, La Trilogie de la Villégiature) se dit proche de Tchékhov et a monté nombre de ses pièces.
S'il fait entendre le texte, et je lui en rends grâce, ici ses personnages sont sans chair, sa distribution navrante.
Que reste-t-il de ce père, le professeur Alexandre Sérébriakov (Alain Marcon) imbu de lui-même et qui sacrifie tous à son confort égoïste.
Que reste-t-il de cette jeune épouse Elena (Marie Vialle) face à l'échec de son mariage avec cet homme âgé mais qui se dérobe à l'amour véritable.
Quand à Vania et Sonia, ils sont pis encore.
Lui (Gilles Privat) avec son air de Boudu sauvé des eaux est un vieux fou, un hurluberlu.
Sonia (Barbara Tobola) une brave jeune fille qui répète comme une bécasse "il faut supporter, il faut supporter".
Seul le pique assiette Téléguine (Jean-Pierre Gos) est fidèle à l'esprit de l'auteur.
Il ne reste rien des personnages déchirants de Tchékhov et de la mélancolie qui baigne toute son oeuvre.
En quittant mon fauteuil il m'était impossible de ne pas penser à Peter Brook et sa "Cerisaie" bouleversante, et au cinéaste Andrei Konchalovsky dont "l'Oncle Vania" m'avait fait ressentir le pudique désespoir Tchékovien comme jamais.