Sur le plateau trois femmes: Grisélidis Réal à trois âges de sa vie.
Trentenaire ( Elodie Bordas ) incarcérée, abandonnée par son amant, elle ne survit en prison qu'à la pensée de retrouver ses enfants et la liberté.
Dans la force de l'âge ( Françoise Courvoisier ) professionnelle en pleine activité, elle exerce avec méthode et générosité. Engagée, elle se bat sans relâche pour la reconnaissance des droits des prostituées.
A la « retraite » ( Judith Magre ) solitaire et malade, elle déploie la même énergie face au cancer qui la ronge.
Tous les ingrédients pour le pire des mélodrames pensez-vous : une Cosette des temps modernes.
Non point.
Grisélidis Réal : un tempérament de feu et la révélation d’une écriture.
Avec des formulations qui font mouche à tous les coups, terriblement efficace, comique parfois, souvent d’une crudité sans fard mais jamais obscène, de ce texte provocateur émane un incroyable élan vital.
Judith Magre, détermination manifeste, lucidité implacable, rage dominée, s’insurge contre la maladie, l’hypocrisie des politiques et la «bien-pensance» généralisée. S’autorisant néanmoins quelques menus plaisirs : un grand cru bordelais, le rêve d’une dernière liaison, elle suscite le rire.
Telle un fauve blessé, indomptable, la comédienne au phrasé inimitable, conférant à l’héroïne sa personnalité hors du commun, nous donne cette fois encore toute la mesure de son immense talent.
Dans la fraicheur de sa jeunesse, Elodie Bordas, nous fait partager sa révolte face à l’enferment, son dégout de l’univers carcéral, le refuge trouvé dans l’art.
Françoise Courvoisier, à l’aise et naturelle, comme si elle évoquait le temps qu’il fait, énumère posément les habitudes de ses client, raisonne sur leur manques affectifs, évoque son aventure sans lendemain avec un taulard ultra-violent, prend la parole au cours de meetings pour défendre « les travailleurs du sexe ».
Elle signe aussi un excellent choix de textes et une mise en scène enlevée.
Une incroyable putain.
Un spectacle vif, caustique, et truculent.
Enterrée aux cotés de Voltaire au cimetière de Genève, Grisélidis Réal a été élevée au rang d’icône helvète.
A Paris elle revit sous nos yeux.
Un rendez-vous à ne pas manquer.