Sa rare économie d’écriture le rapprochant de Jon Fosse, (autre grand créateur contemporain admiré par Lulu), poussée jusqu’à l’elliptisme, parvient cependant à nous faire ressentir, et avec quelle force, tous les tourments de l’âme, de l’amour, de la solitude.
Pas de nom pour ses personnages: une Personne, une Amie, une Connaissance, suffisent à les définir.
Pour cet auteur, Stéphane Braunschweig a toujours signé des mises en scène en totale osmose avec le texte ;
Dirigeant ses acteurs avec une parfaite justesse, recourant à d’admirables scénographies ajoutant au mystère, à l’étrangeté de l’atmosphère de doute et d’incertitude si particulière au jeune norvégien.
Aux Ateliers Berthier, entre deux cloisons blanches, sont disposés des fauteuils de jardin.
L’eau recouvre entièrement le sol. Les éclairages la feront changer de couleur, les cloisons s’élèveront dans les cintres, ou changeront de disposition, les chaises aussi. Parfois, juste une table ou un lit symboliseront le changement de situation.
Sans exception, tous les comédiens se déplaceront pieds dans l’eau.
Ce bruissement aquatique fera résonner avec poésie, étrangeté, ou de façon dramatique les répliques dont:
«Ensemble ça n’existe pas» pourrait résumer à elle seule les différents thèmes de la pièce,
chacun des protagonistes se retrouvant immanquablement seul face aux épreuves qu’il traverse, aux bouleversements de son existence.
Débutant sur un ton presque badin avec deux amies qui ont vécu avec le même homme, les situations évoluent.
Un personnage du récit en cours, apparaît à son tour sur scène quand d’autres disparaissent.
L’anecdote évolue progressivement.
Croissent les désespoirs, grandissent les tragédies.
A l’intensité des premiers très beaux moments, plus précisément le terrible récit de la noyade d’une jeune femme, Chloé Réjon à son mieux, succèdent en cascades, se dévidant comme une pelote qui se déroule, de déchirantes tranches de vie:
solitaire, en phase terminale, un malade à la recherche d’une présence amicale.
Une jeune fille, traumatisée par le suicide de son frère, lâchement abandonnée à l’asile.
Insidieusement, l’écriture se faisant plus bavarde, plus descriptive, plus explicitele mélodrame menace;
Arne Lygre s’égare dans la scène de clôture: revolver en main, une désespérée menace l’humanité.
Si l’article sottement méprisant d’un nouveau critique entré à la rédaction d’un grand quotidien est injustifiée, révélant sa totale incompréhension de l’auteur,
Lulu, sans porter au pinacle le dernier opus du dramaturge,
a su en apprécier les qualités: des premiers moments admirablement construits,
du pur Arne Lygre, parvenant à nous bouleverser avec rien.
Un résumé de son talent ici dispersé.