Encore mieux qu'au cinéma!
Le comédien John Arnold, qui a travaillé avec Ariane Mnouchkine et Michel Bouquet, signe avec ce spectacle une mise en scène formidable.
Découpage des scènes au millimètre.
Succession des tableaux à un rythme enlevé.
Décor a minima, mais avec tout juste ce qu'il faut pour qu'on y soit.
Bande sonore astucieuse et efficace.
Répliques qui ne s'égarent jamais dans le bavardage.
Echanges percutants, au plus serré.
L' entrée saisissante dans le vif du sujet s'impose dès la première scène d'une beauté parfaite.
Le mystère de Marilyn s'y résume tout entier.
Plateau noir. Sous un éclairage incertain, sur le sol s'étale en désordre la chevelure blonde de l'actrice.
Son corps sans vie est recouvert d'un drap immaculé.
Cinq personnages alignés derrière, dans l'ombre, évoquent à tour de rôle les causes de sa mort, les zônes d'ombre qui l'entourent.
Flash back: et nous voilà entraînés à corps perdu dans cette vie, plongés dans cette existence qui prend dans le spectacle toute sa dimension.
Sans jamais tomber dans la facilité, sans jamais céder à la psychologie de comptoir, moins encore au mélodrame, la pièce nous entraîne irrésistiblement dans cette incroyable succession de drames et de miracles.
Marquée au sceau de la folie, de l'incompréhension, de l'exploitation, de la gloire, des échecs, d'une impossible quête du bonheur, la créature mythique est magistralement incarnée par une jeune et ravissante élève du cours Florent: Marion Malenfant.
Qu'elle soit la petite fille à l'enfance fracassée, entre sa mère folle et l'orphelinat où elle échoue, ou la star fragilisée à jamais par la muflerie et la concupiscence masculine, le manque de reconnaissance professionnelle et les maternités impossibles, Marion Malenfant est d'une proximité confondante avec la star.
Candide mais pas naïve, désemparée mais combative, troublante, désarmante, irrésistible, mais jamais aimée, ce
tanagra à la délicate beauté confère une innocence quasi virginale à cette femme.
Exquise fraîcheur de son apparition, soudain dénudée de sa robe du soir avec ses seules sandales de strass et ses longs gants de satin blanc.
Bouleversante interprétation de son monologue dans lequel elle se livre, naturelle, et supplie désespérée:
"Oh hé! soyons heureux ensemble s'il vous plait, c'est pour ça qu'on existe"
L'ensemble des douze interprètes qui l'entoure est au même niveau, je les félicite tous sans réserve en les voyant jouer successivement différents personnages avec un même bonheur.
L'illusion aura fonctionné merveilleusement.
Trois heures de spectacles passés comme par enchantement.
Voilà ce qui s'appelle savoir divertir au sens le plus noble du terme.
Alors guettez la venue de "Norma Jean". Le spectacle vient de se terminer à Ivry mais il commence une tournée en région parisienne.