Tributaire d’une forme de perfection,
Leur aboutissement est à ce prix.
Questionner le silence face au silence,
Vainement tenter de renouer avec une mémoire à jamais effacée,
Voilà la courageuse tentative d’Annie Zadek.
Née en France de Parents polonais émigrés en 1936, juifs, communistes,
Jusqu’à leur mort, jamais devant leur fille ils n’auront évoqué le monde déserté.
Annie n’a pas davantage cherché à « savoir ».
Ses Parents disparus, un irrépressible besoin surgira.
A jamais impossible à satisfaire,
Un questionnaire en règle en dressera l’inventaire déchirant :
« Nécessaire et Urgent ».
Rédigé en 524 questions, le texte aborde un à un tous les aspects de ce départ,
S’interrogeant sur les motifs de cette émigration :
« Avez-vous voulu juste vivre autrement ? »
Précèdent une longue suite de demandes sur leurs aspirations culturelles, politiques, leurs relations amoureuses, le chagrin causé aux parents, la description de leur de vie, leurs pratiques religieuses, l’ignorance de la situation chez les ainés, les humiliations subies, les persécutions, les circonstances de l’anéantissement jusqu’ à leurs conséquences toujours dévastatrices sur les survivants et leurs descendants.
Terribles destinées d’hier.
Terrible résonnance aujourd’hui.
Dit alternativement par un homme, Thierry Raynaud, au calme posé, juste et profond, et Bénédicte Le Lamer, moins convaincante avec cette vilaine moue et ses bras ballants,
Le texte exigerait, soit :
La musicalité lancinante d’« Inventaire » de Georges Perrec, avec un Sami Frey, inoubliable interprète,
Il n’en a pas, loin s’en faut, l’obsédante résonnance.
L’alternative, une glaçante froideur chirurgicale, pas davantage manifeste.
En partie compensé par un délicat et subtil travail sur les lumières et la scénographie, aussi signées Hubert Colas :une cage de verre séparée en deux par une cloison translucide, d’où sortiront les comédiens pour interpréter le texte, s’opacifiera de fumées blanches, des silhouettes fantomatiques s’y dessineront, une main effleurera sa paroi, le plateau toujours plongé dans le noir,
Le texte, en dépit de la justesse de ses questionnements, ne parvient pas à éviter une sorte de monotonie, comme une superficialité qui ne parvient jamais à émouvoir.
Si au théâtre le visuel a son importance,
Le texte en constitue l’essence.
Sa prééminence dans « Nécessaire et urgent » reste à démontrer.