Tragique Logique.
Toujours servi par de remarquables interprètes (Catherine Salviat, Christine Murillo, Judith Magre Catherine Hiegel et Tania Torrens) son dernier opus «Mauvaise petit fille blonde» s’inscrit au même niveau d’excellence dérangeante.
Seul en scène, le comédien Antonio Interlandi, (formé à la danse classique et chez Alfredo Arias) réalise ici une rare performance d’acteur.
Émergeant de l’obscurité, assis en fond de plateau, il apparaît jambes dissimulées et torse nu.
Debout aussitôt, semblable aux gamines d’aujourd’hui, on le découvre en baskets rouges dépassant d’une longue jupe de tulle.
L’incongruité d’un travestissement en parfaite adéquation avec son personnage, une petite fille comme les autres jusqu’à une maladresse fatale.
Distraite par l’observation d’un nuage dans le ciel, son pied heurte et renverse involontairement la coupelle d’une mendiante sur le trottoir.
Soudain devenue objet d’une réprobation générale, source de scandale et de honte pour sa maman.
Ses explications, ses dénégations n’y changeront rien. Un sentiment d’injustice la révoltera.
Entièrement évoqué au prisme de l’enfance, nous suivrons le quotidien familial de notre héroïne tel qu’elle l’observera et nous le fera partager.
Elle a ses idées, la gamine.
Elle les affirme sans fard, avec la crudité et «l’innocence» de l’enfance.
Se suivent les différentes étapes de ce récit foisonnant.
Peccadilles ou gestes plus douteux, sentiments d’injustice, ou de culpabilité, observation des adultes, avis tranchés sur les copains et copines s’enchaînent en différentes séquences au comique d’une rare causticité.
Là réside tout le talent d'Antonio Interlandi, incarnation parfaitement dérangeante et déroutante de cette gamine banale que le sentiment d’injustice révoltera et, dans une implacable logique, se métamorphosera en véritable petit monstre.
Sourire désarmant, élocution posée, fines observations, gestes gracieux, mimiques expressives, et exécution de pas de danse classique entre chacun des épisodes fascinent comme nous fascine l’évolution du personnage.
Pour ce monologue cruel et corrosif, pénétrant, acide et vénéneux sous ses dehors «charmants»,
Pierre Notte qui signe aussi la mise en scène, ne pouvait rêver meilleur interprète.
Un théâtre comme on l’aime.
Sans outrance, fort et subtile.
Une soirée comique et salutaire.
Ne manquez pas ce spectacle.