Il faut l’en féliciter, comme il faut le féliciter du choix de son adaptateur Christian Siméon.
L’entreprise est une totale réussite.
L’univers cinématographique devient monde théâtral,
Et le charme si particulier de son créateur prendra un relief particulier.
Entre les tours de Manhattan joliment transposées par Edouard Laug en parallélépipèdes inclinés, éclairées de l’intérieur par Laurent Béal de différentes couleurs suivant les situations,
Ou dans des intérieurs évoqués encore par de simples parallélépipèdes transparents disposés sur le plateau en guise de table, lit ou bureau,
Se dérouleront les inévitables crises de couple, socle fondamental de toute l’œuvre allénienne, indissociables souvent de leur cadre d’élection, la ville de New-Yok.
Présentée comme un triomphe, rayonnants de bonheur et de joie, Sally et Jack annoncent leur séparation à Judy et Gabe, leurs plus proches amis.
A la stupeur de ceux-ci, succèderont bientôt toutes les interrogations.
Dans leur esprit le doute s’insinue : sur l’authenticité de leurs relations, la sincérité de leur amour.
La liberté retrouvée des premiers, tout comme leurs nouvelles liaisons « épanouissantes » seront éphémères :
Jack vite lassé d’une jeune maitresse professeur d’aérobic stupide reviendra vite auprès de Sally qui délaisse volontiers Michaël, son amant présenté par Judy.
Entre Judy et Gabe, le vacillement deviendra rupture sans retour.
Elle a pris conscience de son penchant marqué pour Michael,
Lui papillonne allègrement auprès d’une jeune étudiante admirative.
Un couple se retrouve ; Sally et Jack
Un autre se reforme : Judy et Michael juste abandonné par Sally,
Gabe demeure seul n’ayant pas osé franchir le pas avec sa « groupie » d’étudiante.
Frustrations, acrimonies, suspicions, reproches fusent sur le mode corrosif, cynisme teinté d’autant d’indécisions que de convictions, profondes toujours,
L’humour américain en prime,
Les effets sont irrésistibles.
Entre mal d’enfants de Judy, couardise de mâle narcissique de Gabe, plaisirs primaires de Jack, inappétence sexuelle de Sally, et cécité amoureuse de Michael, les failles de chacun apparaissent, comme seul le plus européen des américains sait les décrire, absurdes, proches, touchantes.
Stéphane Hillel orchestre la partition sans une fausse note.
Ses comédiens sont tous, sans exception, au diapason.
Glaciale, quand elle n’est pas en fureur, Florence Pernel a toute l’acidité et la suffisance cassante de Sally, la femme affranchie, toutefois difficile à « satisfaire » comme paniquée par un orage.
A José Paul revient le rôle de l’écrivain : impossible de ne pas reconnaitre notre auteur sous ce personnage. Il en incarne toutes les faiblesses, l’égocentrisme, et les tergiversations avec l’extrême subtilité qu’on lui connait.
Marc Fayet, Frank, le moins « compliqué » des protagonistes, est, avec toute la « balourdise » voulue, ce mari fanfaronnant et repentant.
Affronter la vérité de ses sentiments sera beaucoup plus difficile à Judy.
De faux prétextes aux reproches adressés à Gabe (refus de paternité, anciennes liaisons mépris de ses tentatives poétiques) jusqu’ à la rencontre organisée entre Sally et Michael, elle refusera longtemps de s’avouer un penchant pour son collaborateur qu’elle finira par « forcer ». Beauté toute en féminité généreuse, Hélène Mendigue est très attachante dans ce rôle tourmenté.
Ne sont pas en reste : Astrid Roos, la prof d’aérobic aussi sotte que jacassante, Alka Balbir, l’étudiante qui n’aime que les « vieux », et Emmanuel Patron l’homme qui se trompe toujours d’amoureuse.
Une comédie moderne, dont le sel, le piquant, et l’intelligence confèrent toutes ses lettres de noblesse au genre.
Fort éloigné du gros rire gras et vulgaire,
Pourtant un rire sans retenue.