Spectateurs à la peine.
Une Mère, célibataire, d’une adulte handicapée à la recherche d’un emploi : Margie, héroïne de la pièce « Des Gens Bien ».
Quels liens entre ces spectacles ? Rien, si ce n’est, pour reprendre l’expression utilisée par Philippe Calvario, metteur en scène de « Marie Tudor », un éclairage sous « Les Feux de l’amour » qui caractérise ces deux soirées.
« Les feux de l’amour » à prendre dans son acception « feuilletonesque », télévision grand public, forme moderne du roman-photo.
Le théâtre du grand « Totor » fait un retour en force ces derniers mois, avec déjà deux « Lucrèce Borgia » montés presque simultanément :
La magistrale mise en scène De Denis Podalydès au Français, avec Guillaume Gallienne en Lucrèce, signait une œuvre opératique atteignant au sublime.
Emphase grandiloque, et boursouflures caractérisaient celle de David Bobée avec Béatrice Dalle dans le rôle -titre.
Aventure périlleuse, donc, « Marie Tudor » n’en réchappera pas.
Les nobles portent la fraise, le pantalon de cuir et le par-dessus à même la peau, indispensables signes de modernité. De même, les femmes endossent d’affreuses capotes militaires élimées, la reine, une tiare de Miss France. De sempiternels panneaux coulissants transparents délimitent les différents lieux de l’action. Médiocres et tristes, scénographie et costumes sont signés Alain Lagarde.
Et n’attendons pas de la distribution, moins encore la direction d’acteur les moyens de dissiper notre scepticisme, notre incrédulité, face aux tourments des protagonistes décrits par Hugo.
Cristina Reali, à défaut d’incarner une reine sous l’empire de la passion assoiffée de vengeance en découvrant l’infidélité de son amant, charmante en « Locandiera » nous renvoie l’image d’une midinette de série télé, son exigence d’amour absolu devenant caprice d’enfant gâtée coléreuse.
Sans grand relief, en dépit de ses pantalons lamés or dans la scène du «lit », Jean-Philippe Ricci, campe Fabiano Fabiani, l’aventurier « sulfureux » et volage, maitre du cœur de la reine.
Ni Philippe Calvario, Gilbert l’ouvrier ciseleur, ni Jane Fortineau, Jane sa fille adoptée qui se révèle aristocrate, ces cœurs purs prêts aux sacrifices ultimes de leurs vies, ne sauvent du mélodrame et du pompier ces « beaux rôles » d’ouvrier honnête, et de jeune fille coupable et repentie.
Dans le texte de présentation on nous parle de haine et de violence, de deux femmes dans un univers d’hommes luttant pour avoir le droit d’aimer.
L’énoncé est brulant,
Le spectacle insipide.
Les ingrédients sans doute mal choisis.
Du « bas » « lourd »
Très lourd.
Quittons la cour d’Angleterre de Marie Tudor,
Rejoignons « Des Gens Bien», aujourd’hui, dans les quartiers pauvres de Boston.
Une fois encore, la pauvre Margie se fait licencier. Le fils de sa meilleure amie disparue lui signifie son congé à cause de ses retards et absences répétées. Face à son patron exaspéré, il ne peut plus rien pour elle.
Seule et sans aide pour la garde de sa fille handicapée confiée à sa logeuse, notre héroïne va, sur le conseil de ses amies, retrouver la trace de Mike, son amour de jeunesse, issu du même milieu, et devenu médecin reconnu. Pour Margie, il représente l’ultime recours pour l’aider à retrouver un travail.
Accueillie par une indifférence polie, Margie, changeant soudain d’attitude, va provoquer un cataclysme dans la vie de ce « privilégié ».
Au petit jeu du bon et du méchant, de tel n’est pas celui qu’on croyait, du méritant et du méprisable, le manichéisme mécanique et sans arrière fond domine la pièce de cet auteur américain.
Venue d’Outre-Atlantique, notre héroïque « Mère courage », parfait exemple de ces êtres obscurs et sans grade, qui luttent sans renoncer en dépit des obstacles, qui font face avec détermination à toutes les difficultés qui jalonnent leur existence malheureuse, qui surmontent bien des épreuves, pourrait se révéler préjudiciable, voire néfastes ?
Qu’on se rassure, les braves gens se retrouveront entre eux, au rituel tirage du loto.
Leur sens de l’entre-aide s’illustrera dans la modestie d’une générosité, presque, anonyme…
Une bien jolie fin pour ce drame social dans lequel Miou-miou fait sa rentrée théâtrale.
L’actrice pourrait avoir une certaine présence, une fragilité sous laquelle se cache détermination et force. Mais un jeu sans relief, basé sur un unique registre, d’une accablante uniformité, nous détache très vite du personnage.
Personnalités plus marquées, ses amies interprétées par Brigitte Catillon et Isabelle de Botton nous ménagent de fugaces instants d’animation avec quelques répliques plus savoureuses.
Patrick Catalifo nous a donné d’autres exemples de son talent dans ses précédents spectacles (entre autres, dans « Et jamais nous ne serons séparés » de Jon Fosse ) et Julien Personnaz reste juste.
Anne Bourgeois, le metteur en scène, n’aura pas su insuffler un supplément d’âme à ce texte américain, au premier degré, platement démonstratif avec ses personnages stéréotypés
Une soirée aussi terne que longue.