Cette fois encore notre attente a été véritablement comblée.
Épuré, sobriété, dépouillement.
Couleurs étouffées : lie de vin, bleu sombre, et vieil or.
Costumes modernes : élégantes robes noires, portefeuille ou laissant découvert les dos, et tenues cavalières pour les femmes, mêmes costumes sombres pour les hommes.
Sur un panneau, en fond de scène, un fin trait dessine des ouvertures, souligne une large porte à deux battants.
Devant, encadrant la porte, deux étroites banquettes.
Lumières spectaculaires, noirs tranchant dans le vif, sonorités bourdonnantes en sourdine, éclat d’un tonnerre rompant le silence.
Costumes et scénographie de Wojciech Dziedzic, musique de Daniel Freitag recréent avec grande modernité dans un dépouillement non dénué de noblesse, l’atmosphère de ce drame classique allemand rarement monté.
Ivo Van Ove dirige une distribution remarquable de dix comédiens venant des ensembles de Toneelgroep Amsterdam et Toneelhuis Anvers.
A l’opposé de toute théâtralité grandiloquente, l’alternance d’un certain statisme des acteurs assis sur les banquettes ou agités par les tourments de leur conscience, scande dans un climat d’une rare densité dramatique les développements du drame, crée une proximité particulière entre les protagonistes.
Affrontement mortel entre deux reines,
Rivalité sans merci entre deux femmes.
Consciente chacune de l’importance de son rôle face à son peuple et face à la postérité, une séductrice impénitente défie une reine vierge.
Cruauté du sort de Marie Stuart, sens de l’état d’Elisabeth, régicide par nécessité.
Mort vécue comme une délivrance pour l’une, isolement, solitude du pouvoir pour l’autre.
Solennité tragique des derniers instants de Marie Stuart, soudain habillée d’un sublime costume d’époque,
Etreinte de l’émotion lors de son ultime confession adressée à sa nourrice à défaut du prêtre refusé.
Glaçante, l’apparition spectrale d’Elisabeth, après l’exécution.
Souveraine et solitaire, portant parures, mais comme rigidifiée par sa robe d’apparat, symbole d’un pouvoir triomphant
En dépit de la barrière de la langue, durant plus de deux heures, sans un moment de faiblesse la représentation nous a révélé les multiples facettes du texte de Schiller, si prenant sous ses aspects humains, si intelligent dans son analyse politique, intemporel par tous les enjeux évoqués.
Confronté à l’essence même du texte, Ivo Van Ove hisse son auditoire comme il signe son travail :
Au plus haut niveau.