Bon artisan, il tire habilement les ficelles de l’intrigue, en ménage les ressorts, sait jouer sur la corde sensible.
Réceptif à l’air du temps, il stigmatise la domination masculine et dénonce le poids des préjugés.
La recette est efficace.
Elle répond à une commande de Béatrice Agenin qui souhaitait interpréter une pièce célébrant son Berry natal.
Familier de l’univers de Georges Sand déjà évoqué dans «Prosper et Georges» Gérard Savoisien s’est inspiré de l’histoire de Marie Caillaud, une petite paysanne entrée à l’âge de onze ans au service de la Dame de Nohant.
Le récit de son existence est le sujet de la pièce.
L’occasion pour Béatrice Agenin de se livrer, avec délectation, à une démonstration de «grand» art, un véritable exercice de style.
Cette petite orpheline analphabète, courageuse, dure à la tâche, grandit au milieu de gens cultivés. Loin d’être sotte, elle évolue, retient l’attention de sa maîtresse qui lui apprendra à lire et à écrire, la fera jouer dans ses pièces, lui permettra de «monter en grade», et la révélera à elle-même.
Fatale notion de progrès. L’éducation reçue sera source de tous ses malheurs.
Maurice, le fils chéri de Georges, en sera cause.
Indolent, paresseux, pratiquant le dessin à ses heures perdues, coureur de jupons, amateur d’amours faciles, quoi de plus naturel que de culbuter Marie devenue jeune fille pour satisfaire ses appétits sexuels.
Une habitude communément pratiquée chez les fils de «famille».
Marie est un coeur pur, à la recherche d’un peu de tendresse.
Maurice, un faible qui finira par s’attacher à cette maîtresse soumise aimante, sincère.
Commode pour Maurice, l’intervention de Georges Sand viendra semer le trouble dans la situation.
L’écrivain à succès a des ambitions pour ce fils choyé, gâté:
Lui faire épouser un beau parti afin d’assurer le confort de son existence oisive.
Peu enclin à changer ses habitudes, Maurice parvient à esquiver ce premier projet.
Mais une fois la liaison découverte, sa mère scandalisée, furieuse, affolée par les ragots, le contraindra à épouser la jeune fille qu’elle lui a choisie.
Un arrangement dont Maurice s’accommodera.
Une trahison pour Marie, partagée entre révolte et sacrifice.
Préparer vos mouchoirs.
Je ne vous en dirai pas davantage.
Le sort s’acharnera sans pitié sur cette Cosette intelligente et instruite.
Pour seul réconfort il lui restera l’absinthe.
Le charmant décor de Catherine Bluwal, une grande maison de poupée posée sur un plateau nu, avec en fond de plateau une toile peinte d’un paysage de campagne pour évoquer Nohant, les belles lumières de Laurent Béal confèrent un charme indéniable au spectacle.
Sans présence sur scène, Arnaud Denis en Maurice, ne brille que par son costume et sa haute taille;
Il signe cependant une mise en scène simple et fort juste
.
Béatrice Agenin se taille la part du lion.
Elle assure trois partitions de front avec un plaisir non dissimulé et des résultats divers.
Véritable grognard de la garde, sa Georges Sand pêche par excès; pathétique et défaite elle est encore, sans grande singularité la Marie déchue et abandonnée.
Digne des figures de paysans de nos grands classiques, c’est dans le personnage de Marie jeune qu’elle nous enchante. Soudainement déconcertante de fraîcheur , confondante d’innocence, le piment de l’accent berrichon parfaitement maîtrisé agrémentant la saveur d’un patois riche d’expressions imagées , rendent particulièrement attrayant et attachant cette figure de paysanne, tête bien faite et coeur à prendre.
Encore un succès du Festival d’Avignon Off judicieusement choisi pour ce théâtre parisien.
Présentées à l’aide des bons ingrédients, habilement narrées,
Ces amours ancillaires touchent au coeur un public ému.
Pour Lulu un mélodrame bien troussé juste sorti d’un roman des éditions Harlequin.