«Les Empires de la Lune», Lulu de juin 2013, «Pantagruel», Lulu de novembre 2013, «La Traviata», Lulu de septembre 2016,
Considéré par la-dite comme l’un de nos plus intéressants metteurs en scène, distingué par les Lulus d’Or ,
Benjamin Lazar porte à la scène « Maldoror ».
S’attaquer à pareille œuvre n’est pas sans dangers.
Texte ardu,
Entreprise périlleuse.
Téméraire, le comédien metteur en scène nous entraîne dans cette folle plongée au coeur d’un fantastique sulfureux, terrifiant.
Ecrits par un jeune homme disparu à vingt-quatre ans,
Edités à compte d’auteur, passés inaperçu au moment de leur publication,
Non sans rappeler le divin Marquis, son prédécesseur, préfacés plus tard par Léon Bloy puis admirés par Huysmans et Jarry avant que les surréalistes ne les portent au nadir,
Les Chants montés à la scène par Benjamin Lazar débutent par une douce mélopée, ode à l’Océan, et cette interrogation :
«Quelle chose est la plus facile? rencontrer la profondeur de l’Océan ou la profondeur du coeur humain?».
Le mystère s’instaure, inaccessible recherche d’un frère humain :
«Je cherche une âme qui me ressemblât, mais ne pouvais pas la trouver».
Onirique, cette prose va crescendo.
Affranchi du carcan des conventions, le héros libéré, erre à la recherche impossible d’une âme sœur,
S’adonne sans retenue à tous les plaisirs de la cruauté.
Une plongée abyssale dans une succession de tableaux terrifiants,
Jusqu’au dénouement épique atteignant au sublime lyrique :
La folle chevauchée sidérale de deux divinités, indissociables cavaliers traversant l’espace infini.
Prose-Poésie, à l’incandescence subversive, aux imprécations transgressives,
Cette langue foisonnante s’entend, telle les hurlements des chiens fous évoqués par l’auteur,
furieux rugissement contre une humanité à la cruauté sans borne, à la méchanceté vissée au corps.
Sans autres accessoires sur le plateau qu’un lit de fer jonché de fleurs, une console en avant-scène,
hissant telle une voile la toile nacrée qui servira d’écran à de belles projections en noir et blanc, balançant une lanterne ronde ou s’éclairant d’un feu se consumant sur une cassolette tenue à la main,
Le comédien évolue, tantôt comme voguant dans la pénombre sous les projections bucoliques, sinistres ou inquiétantes,
tantôt bien présent, conteur et acteur de tableaux apocalyptiques, voix douce, charme voluptueux,
Costume impeccable légèrement scintillant au lever de rideau, chemise ouverte et débraillée au dénouement.
Accompli avec foi, sincérité, engagement,
Un difficile exercice.
Sa nécessité pose problème.
Sa théâtralité discutable,
Sa transposition sur scène interroge
Sans condamner l’initiative, non dénuée de qualités,
Le dernier spectacle de Benjamin Lazar suscite la perplexité.