Huis-clos burlesque.
Un sens aigu du burlesque le caractérise.
Comique, finesse d’observation, maîtrise des réglages y prennent toute leur résonance.
Son dernier spectacle nous fait partager la folle journée de tournage d’une équipe de cinéma installée dans un car loge de maquillage.
Nous sommes à la montagne, la tempête de neige fait rage.
L’arrivée par un froid polaire de la maquilleuse suivi du maquilleur tout emmitouflés, leur installation et les préparatifs auxquels ils se livrent sont aussitôt prétexte à une première série de bruitages et mimiques irrésistibles.
Elle a le dos fragile, manque de rester bloquée, lui s’admire dans le miroir, tous deux, en professionnels avertis s’agitent en tout sens, pressés par le temps. Mise en route du chauffage, essais de la laque, du séchoir électrique, nettoyage des pots et pinceaux de maquillage sont accomplis tel un immuable rituel filmé en accéléré.
Puis, dans de glaciaux courants d’air et sous les rafales d’un vent violent, des êtres indéfinissables font à leur tour leur entrée.
Seule l’aide empressée des maquilleurs qui les débarrassent de tous leurs vêtements chauds, occasion d’une surprenante séance «d’effeuillage» à base d’écharpes, bonnets, manteaux, lunettes de soleil, nous permet de découvrir la vedette masculine acclamée par ses fans, une comédienne complètement somnambule, un figurant aussitôt rudoyé.
Joli garçon, débordant de bonne volonté mais tétanisé à l’écoute des ordres du metteur en scène, grésillements indéchiffrables émis par son talkie-walkie, l’assistant se démène de son mieux.
Longue chevelure argentée, casquette et lunettes noires, petit blouson de cuir, le metteur en scène, lors de courtes apparitions, impérial, fait montre de toute son autorité dans le choix d’un oeil crevé pour la vedette masculine, de son sens de l’esquive face à la vedette féminine contestant son texte, de son indifférence pour le malheureux figurant.
En dépit de ses tentatives, ignorées de tous, celui-ci manquera de finir étranglé par le fil du séchoir.
Le déroulement de cette journée de tournage nous réservera encore de nombreux rebondissements: crises d‘ego ou de découragement, moments de tension, d’affrontements comme d’amitié chaleureuse se succèdent dans cet espace clos de cohabitation forcée.
Dans les costumes très réussis de Valérie Adda, sous les lumières de Laurent Béal, accompagnés du son de Guillaume Duguet, les saynètes s’enchaînent réglées de main de maître et parfaitement interprétées par l’ensemble des comédiens dialoguant brillamment en borborygmes/gromelo, accompagnés d’une gestuelle admirablement drôle et significative.
Débuté sur un rythme d’enfer, d’une véritable puissance comique, on ne peut que regretter quelques longueurs qui ralentissent l’action étirant le propos.
Il n’en demeure pas moins que cet opus regorge de trésors, de gags, de trouvailles sonores et visuelles.
Lucide et empathique à la fois, Mathilda May nous dévoile «l’envers du décor» d’un monde moins glamour qu’il n’y paraît observé avec profondeur, justesse, décrit au sceau du comique.
Dans un morne paysage théâtral,
Une soirée qui n’engendre pas la mélancolie.