Rentrée de la cérémonie, grandiose hommage de la nation,
nous retrouvons Madame Zola chez elle, livrée à sa solitude.
S’adressant à son chien, évoquant le déroulement de ce deuxième « enterrement », précédé par les difficultés de démarches et d’attente.
Puis, assise à son bureau, reprenant les lettres reçues par son époux en vue de leur publication, la voilà replongée dans les lointains souvenirs de sa jeunesse, dont certains épisodes , avec Cézanne particulièrement, demeurent pour elle à jamais douloureux.
A voix haute, Madame Zola entretient l’illusion d’une présence disparue.
Un soliloque qui va vite se transformer en conversation avec son apothicaire venu lui porter quelque drogue de son invention pour soulager une méchante toux persistante.
Ainsi l’auteure de la pièce nous dévoile progressivement, avec ce personnage fictif, la forte personnalité d’une femme restée dans l’ombre.
Orpheline à sept ans, au travail dès son plus jeune âge, Madame Zola aura connu toutes les épreuves d’une vie confrontée à la misère, aux sacrifices, enfin consacrée au soutien infaillible de son époux.
Sa trahison au soir de leur vie avec une jeune lingère qui lui donnera deux enfants, et l’affaire Dreyfus qui forcera Zola à l’exil pour échapper à la prison, rien ne saura abattre cette femme de caractère, excessive, possessive, mais combattante invaincue.
Le récit, vivant, cocasse parfois, développe les échanges entre les deux personnages.
Progressivement, Madame Zola se laisse aller jusqu’à des confidences qu’elle semble regretter.
Fine mouche qui en vu d’autres, elle devine chez son interlocuteur les failles d’une existence conjugale assombrie.
Des liens se nouent, les conversations évoluent, les intimités se dévoilent.
Plus efficaces que les médecines, s’impose à l’évidence la vertu curative de la parole.
Compétente, Annick Le Goff joue habilement sur les faits historiques, les descriptions des sentiments personnels et les situations, parfois mélodramatiques de ses personnages.
Pivot du déroulement de l’action : le rôle déterminant qu’occupe une psychanalyse balbutiante.
Dans le très joli décor d’Oria Puppu, une méridienne ( précurseur du divan) un bureau de travail, un premier téléphone sur pieds, des costumes d’époque, réussis de Juliette Chanaud,
très justement dirigés par Anouche Setbon,
le duo Catherine Arditti en veuve blessée mais pugnace, cependant inconsolable, et Pierre Forest, mi- charlatan, mi-thérapeute, tout en rondeur au propre comme au figuré, forment en mécanique bien huilée, un duo qui fonctionne sans problème.
Ces derniers temps, sur de nombreuses scènes, triomphent les faces à faces.
La formule a ses avantages dont l’économie n’est pas le moindre,
Et pour les acteurs, l’occasion idéale d’illustrer leur talent.
Il n’en demeure pas moins.
Pas de grand auteur sans véritable créateur.
Solide travail, « Madame Zola » n’en demeure pas moins qu’une jolie histoire qui nous est comptée.
La majorité du public n’en demande pas davantage.
Les exigences de lulu place le théâtre au-dessus.