Ariane Mnouchkine a choisi la même pièce pour célébrer les cinquante ans du Théâtre du Soleil.
La magie opère franchie l'entrée dans le premier "hangar" : gigantesque, poutrelles de fer et verrière restaurés, murs ornés d'anciennes affiches des pièces de l'auteur, portrait géant du dramaturge accroché face à l'entrée. Prêtes à accueillir les spectateurs, de grandes tables rondes nappées de blanc. Au buffet, d'appétissants plats cuisinés maison rencontrent un vif succès: une ambiance chaleureuse et conviviale s'instaure d'elle-même.
Mais revenons à Macbeth. Pièce sur le mal, le pouvoir, les remords, l'honneur, l'innocence sacrifiée, je ne m'étendrai pas.
Annonciateurs de horreurs futures, de sourds grondements qui vont grossissant, des coups de feu qui éclatent, résonnent dans une obscurité profonde .
Dès cet instant, nous assisterons à un spectacle véritablement épique.
Une succession de tableaux, impossibles à énumérer tous, nous réserve une suite d'émerveillements ininterrompus d'inventivité: la lande tout en peaux de bêtes, le jardin de Lady Macbeth croulant sous les rosiers, le bal et ses tables qui " tournent" comme dans une valse infernale, les sorcières avec leurs incroyables oripeaux dansant une sarabande d'une irrésistible drôlerie, les époux Macbeth se retrouvant, une fois le meurtre du Roi accompli, entre deux chevaux hennissant et ruant dans leurs stalles, le monticule de terre qui figure successivement le campement du Roi et le " bunker" de Macbeth dans la dernière scène.
Visuellement époustouflants, ces tableaux impriment à la pièce un formidable découpage, lui confèrent un rythme haletant,feuilletonesque, tant nous sommes tenus par le tempo de la représentation.
En complément, des changements de décor à vue, réglés au cordeau, exécutés par les comédiens eux-mêmes, sont chorégraphie.
Enfin, aux percussions ou pinçant les cordes, Jean-Jacques Lemêtre apporte sa ponctuation sonore inédite à la représentation.
Plus perplexe sur le jeu des interprètes, Serge Nicolaï en Macbeth et Nirupama Nityanandan en Lady Macbeth, la troupe réunit des artistes de tous horizons avec des bonheurs divers.
Peu importe.
On sort de ce Macbeth éblouis, étourdis d'images, portés par le souffle de cette" tempête" théâtrale .
D'une puissance renversante chez Ariane Mnouchkine.