Insatiable curiosité.
La phrase résume cette inextinguible soif de l’ailleurs, cet insatiable besoin d’altérité qui ont fait de Nicolas Bouvier un «éternel voyageur», un modèle pour la génération suivante, tel Sylvain Tesson.
Récit d’une incroyable «aventure», d’une folle entreprise menée par deux jeunes gens de vingt-trois et vingt-quatre ans à la fin de leurs études,
adapté par Anne Rotenberg et Gerald Stehr, le texte ne pouvait trouver meilleur lieu d’accueil.
Partis dans une vieille Fiat Topolino avec quatre mois d’argent de poche, un accordéon, une machine à écrire, Nicolas Bouvier et son ami peintre Thierry Vernet, parcourront les Balkans, l’Anatolie, l’Iran, traverseront la passe de Khybder entre l’Afghanistan et le Pakistan pour atteindre Kaboul où ils se sépareront au bout de dix-huit mois.
Les difficultés, les dangers, les pannes de voiture, l’inconfort, le manque d’argent, les blessures, les maladies, la soif, les moments de découragement n’entameront en rien leur bonheur des découvertes, leur plénitude devant la beauté des paysages, leur curiosité des échanges avec «l’autre», rencontres souvent surprenantes ou riches d’enseignement.
Magnifiquement rédigé, le récit fait parfaitement résonner sa dimension «humaniste», vivre la diversité des populations, les singularités, les mœurs locales,
comme il décrit les paysages, évoque les atmosphères tour à tour hostiles dans les déserts brûlants ou les cols de montagne vertigineux, ou délectables une fois gagnée l’étape tant attendue.
Pour tout décor, une toile de fond aux larges zébrures brunes ponctuées de hautes taches blanches, transposition des reliefs parcourus, et, sur le plateau un long socle assorti. Parfois projetés sur les cotés, des photos d’époque ou des dessins illustratifs.
Le plus souvent assis face au public, parfois allongé , Samuel Labarthe, familier de l’œuvre de son compatriote, nous fait revivre cette «odyssée» d’une époque révolue, aujourd’hui impossible dans ces pays en proie au terrorisme et à l’insécurité.
Concentré, fermant les yeux pour mieux intérioriser les moments d’émotion, tête penchée d’un côté ou de l’autre dans les moments d’interrogation ou de réflexion, respectueux du comique de certaines descriptions telle la mouche asiate, malgré une justesse jamais prise en défaut,
le jeu du comédien demeure un peu terne, répétitif.
Le bon travail de Catherine Schaub, qui signe la mise en scène, aurait cependant gagné en restituant un peu plus de vivacité et de couleurs à ce récit riche débordant de rebondissements.
Une soirée de bonne tenue.