Mais Lulu n’a pas disparue.
Mais Lulu n’a pas disparue.
Ni démission, ni désertion,
Juste une vampirisation dans ses cartons :
Un déménagement cause de cette trop longue interruption.
Mais voici sur la rentrée passée,
De ses impressions le résumé.
Au théâtre, pour ce quatre-centième anniversaire de la mort de Shakespeare, trois pièces aussi marquantes que différentes dans leur approche du grand dramaturge élisabéthain.
A Sceaux, le rendez-vous annuel avec Duclan Donnellan, à ne jamais manquer.
« Le conte d’hiver » signe une fois encore le triomphe d’un des plus grands metteurs en scène actuel.
Décor de Nick Omerod. Dépouillé à l’extrême, quelques planches de bois blanc se métamorphosent tour à tour en catafalque, navire en perdition, ou tribunal quand il n’est pas le simple banc sur lequel, au lever de rideau le « Temps » affalé, tas de guenilles informe dos au public, ou les souverains régnant, prennent place.
« Dénuement » admirable.
Ainsi les comédiens, tous exceptionnels, citons particulièrement Orlando James en Leonte, concentrent la quintessence du texte et du jeu avec une intensité rarement ressentie.
Exemple à contre- courant de toute les relectures et effets visuels si recherchés actuellement,
Une soirée d’anthologie, je vous le répète, Duclan Donnellan jamais décevant, toujours inattendu, étonnant, d’une profondeur inégalée.
Autre création à Chaillot.
« Kings of War » d’après « Henri V », « Henri VI » et « Richard III » dont les extraits sur la guerre et les diverses incarnations de l’exercice du pouvoir sont mis en scène par Ivo van Hove, dont le travail suscite mon enthousiasme depuis nombre d’années.
Consacré vedette internationale, il est aujourd’hui invité dans les plus grands théâtres de la capitale.
Sans doute surmené, cet alchimiste qui dernièrement a su transformer le plomb en or avec « Vu du Pont » d’Arthur Miller,( aux Ateliers Berthier) vient, à notre grand regret, de métamorphoser l’or en plomb.
Dans un décor qui veut rappeler le « war-room » de Churchill, à grand renfort de vidéos sur les visages, ou filmant quelques assassinats en coulisse, accompagnés d’illustrations sonores fournies par des cuivres ou un contre-ténor en direct sur le plateau, des cérémonies de sacre réduites à quelques symboles stricts, les récits ne parviennent ni à nous convaincre, ni à retenir notre attention.
La version batave avec surtitres en français n’est pas en cause.
Plutôt ce curieux salmigondis shakespearien.
Nous aurons tenu deux heures trente sur les trois heures trente de spectacle.
Les extraits des deux premières pièces, pas réellement prenant, croulant sous la profusion d’effets accumulés, dispersent l’attention, réduisenttristement la portée du texte.
Les interprètes de cette première partie ne nous ont pas davantage impressionnés. En costumes modernes et sobres, justes mais sans relief particulier.
Partis à l’entre-acte,impossible de vous commenter les extraits de « Richard III » que nous n’avons pas vus.
Des voix autorisées se sont répandues en éloges uniquement sur la deuxième partie de la soirée.
Je m’interroge sur leur silence concernant la première…
Sans doute fallait-il inverser le moment de notre présence.
Au Théâtre Bastille, c’est le jeune directeur du Théâtre national portugais qui était invité.
Conçu autour du « Sonnet 30 », Tiago Rodrigues nous livre en une courte heure de temps la plus généreuse des démarches théâtrales auxquelles nous avons jamais assisté.
Son texte parvient à réunir dans une même démarche, une histoire familiale, une formidable célébration de la littérature comme élément de dépassement de soi, et de forme de survie, associant dix spectateurs volontaires qui s’efforceront d’apprendre ce sonnet, par cœur et avec le cœur.
Loin de tout dogmatisme, nous voilà entrainés dans une aventure poétique où s’entrecroisent le choix auquel le comédien doit faire face pour répondre au vœu de sa grand-mère, menacée de cécité, d’apprendre un ultime texte avant de ne plus pouvoir lire, l’évocation de très grands auteurs ou philosophes ( Brodsky, Georges Steiner, Proust, Pasternak, et bien sûr Shakespeare) à la force de la transmission. Rires et émotions émaillent la soiré.
Tiago Rodrigues est un magicien au grand cœur, alliant joyeusement, naturellement, fantaisie et d’humour.
Un bain de jouvence contre la morosité.
Autre « Must » : « Bettencourt Boulevard » de Michel Vinaver, venu à la Colline après sa création à Lyon par Christian Schiaretti.
Au lever de rideau, une scénographie( Christian Schiaretti et Thibaut Welchin) d’une beauté à vous couper le souffle : découpée et rythmée telle un tableau « OpArt » . Au sol, fauteuils design blancs sur le plateau disposés en quinconce, et suspendus depuis les cintres, des panneaux de couleurs primaires rythment l’espace avec une étonnante puissance visuelle.
Débutée dans la peine ombre, le récit des deux aïeux.
D’une part, le rabbin Meyers qui a sauvé ses fils mais a préféré se sacrifier par devoir envers sa communauté qu’il refuse d’abandonner à son sort.
De l’autre, Monsieur Schueller, fondateur de L’Oréal, évoquant clairement sa participation à La Cagoule.
L’antagonisme des deux récits, à travers les voix de Bruno Abraham-Kremer et celle de Michel Aumont, résonnent telle une tragédie antique.
Trop vite effacée, cette impression vire aussitôt à la platitude, quand elle ne tombe pas dans la caricature sans nuance dans la description de tous les protagonistes de l’affaire, telle que tout un chacun a pu la suivre dans la presse et les médias.
Linéarité voulue, réalisme sans l’ombre d’une transposition dramatique, gomment à dessin toute intensité, tout relief à cette histoire d’amour et de haine, de duplicité et de jeu de pouvoir, de compromissions et d’argent.
Réduite à un dogmatisme rebattu, la pièce de Vinaver, qui connait tous les honneurs cette saison, ne nous apporte rien de neuf, sauf un ennui pesant.
Au Studio de la Comédie Française, deux courtes pièces délicieuses de Tchékhov se jouent jusqu’à la fin du mois de février :« Le chant du cygne » et « L’Ours ».
Piètre représentation.
Maëlla Poésy, la mal nommée, nous sert une version revue et corrigée dans lesquelles la dame s’autorise des libertés qui conduisent à l’inepte.
Pour « Le chant du cygne » le vieux comédien, sensé s’épancher auprès du vieux souffleur, se retrouve avec un tout jeune homme comme interlocuteur.
Je vous laisse deviner le sens des dialogues ainsi établis.
Gilles David, le vieux comédien, manque de poésie dans ce rôle pathétique, le freluquet qui lui donne la réplique, Christophe Montez, est pire encore, dans son inévitable survêtement et bonnet enfoncé sur la tête, tout sautillant et frétillant.
« L’Ours » dont je gardais un souvenir formidable, joué alors par Daniel Ivernel, a aussi subi une étrange cure de jouvence, transformé pour l’heure en jeune homme, barbu et sac à dos, très excité lui aussi. Face à lui, une jeune veuve, allure de petite employée de bureau, se lamente, et s’énerve avec un entrain forcé à plaisir, ridicule dans ses pleurs comme dans son refus d’acquitter les dettes de feu son époux.
Benjamin Lavernhe et Julie Sicard, ne correspondent aucunement aux personnages créés par l’auteur.
Du milieu aristocratique campagnard, nous voilà aujourd’hui dans un décor de cuisine sordide que les Deschiens n’auraient pas renié. Le vieux noble célibataire et grognon, succombant aux charmes d ‘une veuve soit-disant inconsolable et mauvaise payeuse deviennent deux hystériques piaillant, s’époumonant, gesticulant à qui mieux mieux.
Invitée à l’initiative personnelle d’Eric Ruf, attribuons cette regrettable initiative à un simple moment d’égarement de la part d’un directeur que l’on connait mieux inspiré dans ses choix.