Des dames bien-pensantes , à mes cotés, ont salué d'un "nul" la fin de la pièce.
Certes la pièce est déconcertante du début à la fin.
Aucune logique ne régit la succession des scènes, l'action semble plus souvent relever du rêve que de la réalité.
Pièce onirique donc. Avec des leitmotivs qui reviennent souvent comme des obsessions lancinantes qui tourmentent cette famille composée d'un couple fusionnel, Mère (Karin Viard) Fils (Micha Lescot), que vient troubler le retour redouté de la fille( Léa Drucker) disparue depuis longtemps. Un quatrième personnage (Philippe Vieux) complète cette famille aussi cabossée que déjantée: prof de tennis, hypothétique compagnon de la Maman.
Rafael Spregelburd s'inscrit parfaitement dans la lignée des auteurs argentins décoiffants, comme je les aime, son texte contient des passages d'une irrésistible folie.
Pour interpréter ses très étranges personnages, il ne pouvait "rêver" des meilleurs comédiens.
Karin Viard et Micha Lescot sont renversants tous les deux.
Je découvre la première à la scène, ne l'ayant pas vue dans "La Estupidez" du même auteur à Chaillot.
Son talent est aussi éblouissant qu'à l'écran. Ce qu'elle fait est inouï, sa présence, sa beauté, son aisance sont confondants.
Micha Lescot réussit encore, avec ce rôle, une performance aussi remarquable que dans " Jusqu'à ce que la mort nous sépare" de Rémi de Vos. Son interminable silhouette longiligne ne saurait mieux convenir à ce rôle de fils qui, depuis son enfance, ne vit que par ses rêves.
Fol espoir de réconciliation familiale, impossibilité d'y parvenir, étrangeté de la relation frère- soeur qui semblent liés par un drame intime, impuissance de cette Mère face aux évènements, sont traités , dans un joyeux désordre, sur le mode burlesque.
Une courte et pudique scène finale ponctuera le dénouement sur une brève note aussi émouvante qu'énigmatique.
Sans placer Rafael Spregelburd au sommet du firmament théâtral argentin (quelques longueurs regrettables affaiblissent la pièce dans la deuxième partie) je vous conseille vivement de goûter à cette curiosité, divertissante, singulière, tout comme le jeu de ses interprètes si bien dirigés par Marcial di Fonzo Bo, dans cet univers indéfinissable.
Surprenant, vous dis-je.