Amère déception.
«l’Orage» d’Alexandre Ostrovsi nous transporte dans une petite ville perdue au bord de la Volga, bourgade isolée, repliée sur elle-même,
un monde clos face à l’immensité du fleuve et du paysage.
La réunion de personnages singuliers dans leur diversité, composent un univers d’une formidable humanité en proie à ses démons, ses doutes, ses aspirations, ses faiblesses:
Le poète, philosophe Kouligine, inventeur philanthrope qu’aucun échec ne décourage,
La jeune Katherina, mal mariée et n’aspirant qu’à «s’envoler» comme un oiseau emprisonné, tenaillée par le sentiment de sa mort proche,
Son mari alcoolique Tikhone, un faible pas mauvais bougre,
Sa mère, Kabanova, vieille femme tyrannique, pétrie de préjugés et de religiosité,
Dikoï, un marchand violent et exploiteur, dominé par son tempérament colérique,
Boris, son neveu terrorisé amoureux de Katherina,
et Varvara sœur de Tikhone, jeune femme sans scrupule affranchie du joug familial.
Tous se débattent dans un terrible jeu de dominations volontaires ou subies,
tous souffrent, luttent, se démènent.
Heurts d’idéaux les plus purs, d’amours impossibles, d’angoisses déguisées, d’échecs, de fausses repentances, de tentatives de libération vaines ou abouties.
Les passions tonnent comme l’orage, les êtres se déchirent, les vies se brisent.
Fresque grandiose et magnifique, formidable résonance du tragique et du comique, ici réduite à néant.
Accoutrés dans d’affreux costumes d’Anaïs Romand, naviguant entre contemporain et allégories pseudo-folkloriques,
Evoluant dans le très prétentieux décor d’Eric Ruf, immense photographie de fleuve bordé d’arbres se disloquant et se retournant pour recréer une cuisine avec meubles en formica et télévision grésillante, puis un sombre escalier-balcon à la West Side Story pour les amoureux,
Dirigée par Denis Podalydès avec les outrances racoleuses d’aujourd’hui,( par exemple l’enlacement et baiser sur la bouche entre Katherina et sa belle-sœur),
l’affligeante médiocrité des acteurs réunis, accable: leur jeu «factice», «extérieur», plaqué, indigent, vide littéralement les personnages de toute épaisseur, ainsi transformés en pantins sans chair.
Seule exception notoire: l’interprétation de Philippe Duclos en poète Kouliguine. Tel un baume délectable, lui seul fait entendre et ressentir la beauté du texte d’Ostrovski.
Piètre consolation pour un chef d’œuvre trahi et dénaturé.
Pis que décevante,
Une soirée indigne.