Avec « Fleur de Cactus » porté par Sophie Desmarets ou « Folle Amanda », par Jacqueline Maillan et Jean Poiret, mis en scène par Jacques Charron, ces pièces connurent d’immenses succès public.
Elles étaient le reflet d’une époque, d’une certaine légèreté, joyeusement railleuses, et divinement interprétées par ces comédiens épatants, jouant avec tout l’abattage requis face à un public conquis.
En choisissant de remonter « L’Or et la Paille » crée en 1956, Jeanne Henry y a vu essentiellement une pièce « sociétale » dénonçant le mélange douteux, voire sulfureux, entre amour et argent que domine le besoin de paraître.
Débuté par un collé-serré, nous retrouvons aussitôt le jeune couple de bourgeois séduisants et inconséquents dans l’impossibilité totale de payer la moindre dépense, à commencer par la course de taxi de Madame, sans avoir recours à d’innombrables subterfuges, véritables fuite en avant qui va de l’escroquerie mondaine au chèque non signé, en passant par la vente d’objets ne leur appartenant pas pris dans l’appartement prêté le temps d’un voyage par un cousin complaisant.
Déployant une imagination sans bornes, inventant toujours de nouveaux subterfuges, Madame jamais à court d’idées, va jusqu’à proposer cyniquement à Monsieur un divorce qui l’autorisera à se faire épouser par un brave industriel provincial et veuf qu’elle n’a aucun mal à séduire.
Complaisant, Monsieur de son côté momentanément esseulé, trouvera après une fête une richissime veuve en mal d’affection dont il parviendra sans difficulté à se faire « demander en mariage ».
Mais l’ennui de Madame deviendra si insupportable aux côtés du barbon qu’elle reviendra chez Monsieur qui s’apprêtait justement à convoler en justes noces.
Quand surgiront au milieu de leur scène de ménage le barbon et la future s’impatientant tous deux, chacun retrouvera sa chacune : nos tourtereaux réconciliés se résigneront à « gagner leur vie », l’industriel et la riche veuve, se reconnaissant après de longues années de séparation, renoueront une amourette de jeunesse.
Cette charmante bleuette ironique, dénuée de méchanceté, devrait nous distraire agréablement.
C’est sans compter avec l’interprétation de Jeanne Henry.
Son travail motivé par la bien-pensance et le politiquement correct métamorphose la comédie en pièce engagée :
La dénonciation d’un consumérisme qui régit jusqu’au plus intime de nos rapports humains : la vie de couple.
Le regard amusé des auteurs se transforme en critique,
Le divertissement devient catéchèse.
Ainsi détraquée, la mécanique ne fonctionne pas.
Ajoutons aussi que la laideur, sans doute voulue, du décor signé Jane Joyet, les effets visuels ridicules, les numéros dansés, accentuent encore le décalage.
Quant aux comédiens, aucun n’a l’aisance indispensable pour incarner les personnages mondains, oisifs, ou industrieux décrits par les « dramaturges » qui avaient une parfaite connaissance de cet univers.
Les jeunes Céline Martin-Sisteron et Loîc Riewer manquent de la frivolité inhérente à leur rôle, Hélène A lexandridis passe du registre Madeleine Renaud à celui d’une sous Maillan, et Olivier Broche, l’inénarrable enfant martyr des Deschiens n’a vraiment rien de l’industriel benêt et casanier.
Pierre Barillet a pu être flatté de cette « modernisation » de son texte.
Nous ne saurons qu’en penser tant il nous a semblé distordu.