Après les TG Stan d'Anvers ( "Les Estivants " de Gorki, " Mademoiselle Else" d'après Schnitzler ) c'est au tour de Natali Broods et Peter Van den Eede de nous transporter au cœur d'un théâtre résolument contemporain, novateur, irrésistible de cocasserie, intense d'émotion, confondant de naturel et d'authenticité.
Elle est belle, jeune, et comédienne.
Il est son ainé, a été son professeur, est devenu auteur de théâtre.
Ils ont eu une liaison.
Le hasard les fait se retrouver après de longues années de séparation.
Dans tout cela rien que de très banal.Le danger du roman de gare, fleurant à plein nez l'eau de rose, menaçait.
C'est à un face à face éblouissant interprété par ces deux comédiens extraordinaires que nous assistons.
A l'occasion de ces retrouvailles inopinées, dans une salle aux tables désertes nous les découvrons, assis dans la pénombre au fond du plateau, et assistons à un dialogue impossible entre deux êtres.
Le ton inimitable de l' accent flamand confère une singulière saveur à ces dialogues d'une grande richesse.
C'est l'inattendu le plus cocasse qui vient toujours nous surprendre au cœur de cette conversation aux enjeux pourtant dramatiques.
De " l'auto- analyse impitoyable" de l'homme qui en arrive à avoir un " cerveau qui louche", funeste conséquence de son esprit confus et tourmenté, jusqu'aux interrogations de la femme, s'interrogeant sur l'effet-miroir de son métier de comédienne, au cours de cette " plongée infernale dans la psyché humaine ", quelques digressions inattendues nous ménagent des moments d'un comique achevé.
Les réflexions sur l'art et l'esthétique , au sujet de l'audace des compositions de la Chapelle Sixtine, ( lieu de rencontre) à l'étude comparée sur la fréquence du sourire dans la sculpture asiatique et indienne, ( voyage en Inde proposé à la femme) , les souvenirs communs avec cette mule heurtée par leur voiture en Grèce leur interdisant d'atteindre le but de leur voyage , jusqu'à l'évocation des échantillons de lotion capillaires offertes par le coiffeur, quand il essaie d'imaginer une de ses journées, sans oublier leurs interrogations sur les avantages des frigos encastrés et la lecture obligée des manuels d'instruction.
Et que dire de cette horrifiante, mais hilarante, description d' autopsie à laquelle revient inlassablement notre héros qui ne fait pas toujours preuve d'attention aux paroles de son "ex".
Un magnifique affrontement physique, qu'elle a su provoquer, concrétisera leurs oppositions: des bourrades qui deviennent empoignades pour s'achever en une danse désarticulée entre les tables renversées au cours de leur dispute, ils sortiront exsangues. Pantelants, il lui avouera qu'elle est "peut-être le clarté à l'aube de la mort" et elle murmera " je crois que nous devons essayer encore une fois".
"La vérité, le mensonge qui peut faire la différence ?" dit Peter Van den Eede qui s'est inspiré de l'œuvre de son compatriote Johan Daisne.
La démonstration est magistrale, l'illusion totale, la réussite parfaite.
La compagnie de Koe porte très haut le théâtre d'aujourd'hui.