Ses pièces les plus noires portent le sceau d’un comique si insensé, délirant et surréaliste qu’elles demeurent à jamais gravées dans nos souvenirs :
Formidables évocation de la souffrance et du désespoir par l’absurde « L’atelier », « Zone libre », « L’enfant do » en sont l’illustration.
S’y ajoutent : « Rêver peut-être », « Une leçon de savoir vivre » « Moi je ne crois pas » auxquelles Pierre Arditti a déjà prêté son immense talent.
Daniel Russo, de son coté, interprétait « Les autres » il y a quelques années.
Deux familiers de l’œuvre réunis sous la fine direction de Charles Tordjman, lui-même metteur en scène d’une autre pièce de Grumberg » Vers toi terre promise ».
Cette dernière, précisément classée par Lulu à la rubrique « décevante » dans l’univers grumbérien.
« L’être ou pas » a été écrite il y a deux ans sous l’intitulé « Pour en finir avec la question juive ».
Avec une cage d’escalier pour tout décor, au cours de rencontres fortuites sur les marches, le palier ou le hall de l’immeuble, nous assistons aux échanges entre deux voisins : le juif athée et le catholique.
Par ses questions révélant une parfaite méconnaissance du judaïsme pour devenir de plus en plus pointues, le goy, porte-parole d’une épouse invisible mais droguée d’internet et des sites spécialisés, finira converti- orthodoxe face à notre athée.
Profondément ébranlé, notre interlocuteur finira, lui, par renouer avec ses racines et la pratique du yiddish.
Cet habile jeu de basculement débute sur l’antisémite ordinaire pour aboutir à la description de pratiques religieuses conduisant à l’obscurantisme.
En neuf saynètes l’auteur balaie préjugés, idées reçues et autres malentendus qui enveniment notre monde.
Pierre Arditti, renonçant à tout cabotinage dans un jeu parfaitement maitrisé, tout en subtilité, délicatesse et retenue, parvient à s’identifier à son personnage avec une sincérité émouvante.
Daniel Russo, à l’opposé, joue avec naturel, le borné-bonhomme, assénant avec la même assurance vérités et contre-vérités.
Dénonciation des intégrismes,
Plaidoyer pour la tolérance,
Quelques jolies formules, piquantes, inattendues, hilarantes de sottise ou de scepticisme désabusé, émaillent le texte de Jean-Claude Grumberg sage, raisonné.
Oubliées la démesure, expurgée la « dinguerie », signature de cet auteur à la douleur jamais apaisée.
Consensuel et politiquement correct, la grumbérienne que je suis, déplore cette anémie inattendue chez le dramaturge soudainement « amorti ».
Emportés par les comédiens, le public tombe sous le charme.