Saisissant
Dépouillée d’ « Olympe », transposée dans une modernité radicale inspirée aussi d’un fait divers,
Cette adaptation rendait soudain à la tragédie antique une intensité et une proximité à la puissance d’électrochoc.
N’ayant pas assisté en Avignon à « Ibsen Huis », ces « Trois Sœurs » étaient plus qu’attendues, espérées, souhaitées.
Echos critiques, voire accablants, n’ont pas émoussé ma curiosité.
Si usurpation il y a, elle concerne bien l’utilisation du nom de Tchekhov et du titre de sa pièce.
Exploitation bassement mercantile ?
Utilisation abusive d’un auteur et de son œuvre ?
Car si l’on retrouve bien tous les personnages de Tchékhov, oubliée la Russie d’alors, oubliée la petit ville de province où vivent les enfants Prozorov, disparus les officiers de garnison qui composent leur entourage.
Nous voilà aujourd’hui, bien ancrés dans le présent.
Une bande de jeunes se retrouve dans leur maison de vacances pour faire la fête.
Dès les préparatifs, s’exprimant dans une langue crue, voire triviale, semée d’expressions toujours inscrites dans la contemporanéité, souvent vulgaires, voire grossières, obscènes,
Désillusions, amertumes, rêves brisés, révoltes avortées,
Faux-semblant, mélancolie, incompréhensions,
Faiblesses des uns, veuleries des autres, insatisfactions de tous se révèlent chez chacun.
Posée sur une tournette, en parfaite harmonie avec la crudité des dialogues, la maison de verre permet d’assister avec le même réalisme aux scènes de sexe et usage des « commodités ».
Vulgaires paumés, me direz-vous comme certains.
Non point :
A l’exception de l’intrigante Natalia épouse d’André le frère inventif, drogué et joueur qui ruine ses sœurs,
Tous des êtres souffrants, « inadaptés » au monde dans lequel ils vivent, revenus de tout.
« La vie moderne est une pute »
« Non mais, vas-y on est juste des alcolos désespérés »
« Construire une société qui serait juste et bonne » :
Vœux pieux, désenchantement absolus,
Phrases éloquentes, âpreté étrangère à Tchékhov, reflet sans fard d’un constat sans espoir.
Incapacité enfin à affronter le présent.
Comme le dit Olga à la fin de la première partie :
« Pourquoi est-ce qu’on a du devenir des adultes ? »
Pas un comédien qui ne soit remarquable.
Les micros n’entravent en rien l’impact de leur impressionnante présence,
Ne diminue nullement la chair, l’épaisseur de chacun des personnages.
D’une exceptionnelle présence, l’ensemble des interprètes vous happent littéralement.
Illusions perdues,
Rarement montrée avec une telle acuité,
Toute la douleur d’un naufrage.
Sous la verdeur des propos,
De profondes et lancinantes douleurs.
Suffisantes pour une unique signature contemporaine: celle de Simon Stone.