Partagée par ces « Particules » Lulu.
Lu à sa sortie, en quatre- vingt dix huit , le livre m’avait apparu morne, sombre, glauque, déprimant à souhait.
A la différence de « Plateforme » que je trouvais visionnaire, une désagréable impression de malaise m’en était restée.
Par sa mise en scène et son travail sur le texte, Julien Gosselin change la donne.
Toute l’œuvre prend soudain vie, acquiert un relief insoupçonné.
L’ énumération des « utopies » soixantehuitardes et de ses corollaires, célébration de l’ » épanouissement personnel « et de la liberté sexuelle des plus débridée, dépendance à diverses pratiques mystificatrices alors en vogue, composent, en première partie, un ensemble de tableaux d’un irrésistible comique.
Dénonciation grinçante de l’affairisme généralisé, n’épargnant pas même le monde médical, le portrait du Père de Bruno est un grand moment.
Plus cruel encore celui de la Mère, sa caricature, définitivement assassine de femme « libérée et mère « dénaturée » .
Plus difficile le récit des enfances de Bruno et Michel.
Expédiés tout petits, tels des colis encombrants chez les Grands-Parents, éloignés des Parents seulement occupés de leurs partenaires sexuels, leur vie sera à l’image du manque affectif de leur enfance.
Enseignant, Bruno ne connait que le sexe sans joie, les plaisirs solitaires, les pratiques tarifées.
Après sa première déception amoureuse, Michel, le scientifique, se consacre exclusivement à ses recherches, ne voit personne, se nourrit au Monoprix .
Privés d’amour dès leur plus jeune âge, adultes dans l’incapacité de le partager, une désespérante solitude jalonnera leurs existences.
Fugace, intense, mais tardive, ils connaîtront une brève liaison. Aucun ne se remettra de sa fin dramatique.
Bruno finit dans une clinique psychiatrique.
Michel se suicidera par noyade une fois ses travaux accomplis.
Regard d’une ironie presque sardonique, constat d’une désespérante noirceur.
Implacable analyse. Avec son inimitable style, mou, flasque, invertébré magistralement maitrisé Michel Houellebecq est l’annonciateur funeste et placide de la fin de notre civilisation.
Constat accablant.
Dirigée par Julien Gosselin, vingt-six ans, sa compagnie « Si vous pouviez lécher mon cœur » formée par Stuart Seide à Lille, regroupe un collectif de jeunes réellement talentueux.
Inventifs, décomplexés, naturels, et pathétiques, leurs personnages reflètent à merveille chacune des personnalités interprétées. Filles et garçons se surpassent, tous forment un ensemble d’une jeunesse ébouriffante, musique rock à l’appui, vidéos en fond d’écran.
Au final, comme un souffle de fraicheur, l’épilogue de science-fiction imaginé par l’auteur.
Etres radieux verre de champagne à la main, une humanité nouvelle célèbre les défunts sacrifiés du monde qui les précèdent.
Une irrépressible note d’espoir, une éperdue déclaration d’amour.
Contempteur de Michel Houellebecq détrompez-vous.
Un incorrigible optimiste cet écrivain.
La vitalité du spectacle en est la parfaite illustration.